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Critique de Presence


Ce tome comprend une histoire complète et indépendante de toute autre, qui ne nécessite pas de connaissance préalable de Superman ou de l'univers partagé DC. Il comprend les 16 épisodes initialement parus en 2018/2019 dans des magazines vendus dans les magasins Walmart, puis réédités en comics 1 à 6 en 2019/2020, écrits par Tom King, dessinés par Andy Kubert, encrés par Sandra Hope, et mis en couleurs par Brad Anderson, avec des couvertures de Kubert, au nombre de 19 rassemblées en fin de tome.

À Metropolis, Superman est en train de régler son sort à un robot géant qui s'est attaqué à l'étage supérieur d'un gratte-ciel. Puis il rejoint Batman sur un autre gratte-ciel. Celui-ci lui parle de l'assassinat d'un couple, de leurs quatre enfants adoptifs, une qui est à l'hôpital et qui voudrait voir Superman pour lui parler de sa soeur qui a disparu. Superman va rendre visite à la fillette qui lui raconte à sa manière la disparition de sa soeur Alice, emmenée par quelqu'un là-haut dans le ciel. le lendemain, Lois Lane et Clark Kent sont en réunion face à Perry White, l'éditeur en chef du Daily Planet. Kent essaye de suggérer qu'il pourrait couvrir la disparition d'Alice : il se fait rembarrer séance tenante. Plus tard il est en train de battre contre un tyrannosaure dans les rues de Metropolis, avec l'aide de Green Lantern (Hal Jordan). Il en profite pour lui demander s'il peut retrouver la trace de l'utilisation d'un rayon Zeta. Green Lantern répond que non, mais qu'il a demandé à tous les Lantern du corps d'être en alerte s'ils entendent parler de l'enlèvement d'Alice. Superman continue de se battre contre tous les criminels qui se manifestent cette semaine-là, tout en repensant à Alice, au fait qu'il était son héros préféré et qu'elle avait une figurine de lui, et qu'il ne peut pas quitter la Terre comme ça, juste pour sauver une enfant.

Finalement, Clark Kent retourne à Smallville et en parle avec son père Jonathan. Ce dernier hésite entre deux possibilités : les Green Lanterns finiront bien par la retrouver, ou la pauvre Alice attendra son sauveur en pensant à Superman. le lendemain, Batman prévient Superman que la petite fille à l'hôpital est décédée de ses blessures. le soir, Superman en parle à Lois Lane, alors qu'ils sont assis sur la sphère du Daily Planet, la sculpture sur le toit des bureaux. Il finit par prendre la décision de se lancer à la recherche d'Alice pour la sauver. le lendemain matin, il se tient dans un parc de Metropolis et il s'élance d'un bond vers le ciel. Sa première étape l'amène sur la planète Rann : il vient consulter l'ingénieur expert en rayon Zeta pour retrouver la trace du kidnappeur. L'ingénieur l'informe qu'ils ont mis un Computo 3 sur le traitement des données et que l'intelligence artificielle a fini par se suicider en cours de traitement, du fait de la trop grande masse d'informations. Superman n'hésite pas très longtemps. Il demande à être branché sur la base de données : il va en faire le traitement lui-même. Quelque temps auparavant, sur Terre, Logan Kinny, un jeune garçon, a mis son teeshirt de Superman, s'est attaché une cape autour du cou et s'est élancé dans le vide depuis le toit du pavillon de ses parents. Il est mort des suites de sa chute.

Tom King a écrit la série Batman de 2016 à 2019, avec un rythme de parution bimensuel, soit 85 numéros et deux annuels. En 2018, Brian Michael Bendis commence à écrire les séries Superman et Action Comics pour l'éditeur DC Comics. En 2019, ils décident donc d'intervertir leur personnage pour chacun une histoire complète hors continuité, disponible dans les magasins Walmart. Tout comme Bendis, King en profite pour mettre en scène plusieurs éléments emblématiques du personnage dans leur récit. Au fil des chapitres, le lecteur peut apercevoir, souvent juste le temps d'une case ou d'un dessin en pleine page des personnages de la mythologie de Superman : Perry White, Atomic Skull, Metallo, Doomsday, Mongul, Toyman (Winslow Schott). S'il connaît un peu les principales histories du personnage, le lecteur relève aussi un passage à la Forteresse de Solitude, le fait qu'il bondisse par-dessus les immeubles d'un bond unique. Il sourit en voyant que le scénariste a réussi à insérer une course contre la montre, en faisant plusieurs fois le tour de la planète, pour déterminer qui est le plus rapide entre Flash et Superman. En outre, le match de boxe contre Mighto semble être comme un écho de celui de Superman contre Mohamed Ali (1942-2016) dans Superman vs. Muhammad Ali (1978) de Dennis O'Neil & Neal Adams. Au fil de ses pérégrinations, Superman croise le chemin d'autres superhéros comme Batman, Green Lantern, Flash. le scénariste consacre un peu plus de temps à deux personnages en double l': Lois Lane, Lex Luthor. Il montre plusieurs aspects de la relation de couple entre Lois et Clark, à la fois comme un soutien et une écoute de Lois pour Clark, à la fois en tournant en dérision l'habitude de Lois de servir de demoiselle en détresse en tombant des fenêtres à des moments inopportuns, un clin d'oeil au rôle dans lequel elle était cantonnée dans les années 1950. La relation avec Lex Luthor est forcément de nature antagoniste, l'existence même de Superman étant insupportable au magnat industriel. King ne renouvelle pas ces deux dynamiques, mais il sait les mettre en oeuvre avec intelligence et émotion.

Dans la mesure où il s'agit d'une histoire distribuée dans des points de vente inhabituels pour attirer le chaland, le scénariste prend bien soin d'imaginer des situations spectaculaires tout du long de son récit, et l'artiste s'en donne à coeur jour pour en mettre plein les yeux. le lecteur prend donc grand plaisir à voir Superman donner la mesure de sa puissance dans de dessins en pleine page : en train de démanteler un robot en plein ciel, en train de soutenir à bout de bras une rame entière de métro alors que l'ouvrage d'art en poutrelles métalliques s'est effondré, en train de décocher un direct du droit contre Doomsday qui trébuche sous l'impact, étendu sur le sol au cours du match de boxe, ou assis dans une salle d'attente en amphithéâtre pour pouvoir passer un appel interstellaire, etc. Kubert n'y va pas avec le dos de la cuillère, représentant un Superman musculeux avec une sacrée carrure. Il insiste également sur les expressions de visage et sur les regards. le lecteur se souviendra longtemps de celui de Lex Luthor assis sur le banc des accusés dans une salle d'audience. L'artiste donne son interprétation de plusieurs poses iconiques, que ce soit Clark Kent ouvrant en grand sa chemise révélant le blason du S en dessous, ou Superman et Flash courant côte à côte dans une épreuve autour du monde.

Comme souvent dans les comics de superhéros, les dessins s'inscrivent dans un registre descriptif et réaliste. le lecteur constate rapidement qu'Andy Kubert a dû disposer d'un temps raisonnable car il soigne la plupart de ses décors avec un bon niveau de détails : l'architecture des différents immeubles de Metropolis, le panneau d'affichage derrière le bureau de Perry White, la salle de rédaction du Daily Planet, les nombreuses races extraterrestres, les différents endroits de la planète par lesquels passent les deux coureurs, la salle d'audience, la flotte de robots humanoïdes. Sandra Hope effectue un travail très méticuleux, très respectueux des traits de Kubert, avec une grande précision dans le tracé. La mise en couleurs de Brad Anderson est riche et sophistiquée, sans écraser les traits de Kubert, tout en nourrissant chaque surface détourée avec des nuances rehaussant le relief, et des effets spéciaux lors de l'usage de superpouvoirs. le lecteur se laisse donc emmener dans les aventures de Superman dans l'espace, grâce à une narration visuelle spectaculaires à souhait, bien calibrée, le dessinateur sachant très bien à quel moment il peut s'affranchir de représenter les arrière-plans. La dynamique du récit est simple : Superman quitte la Terre pour retrouver la petite Alice et la sauver.

Pourtant le récit ne s'avère pas linéaire : les séquences ne se suivent pas avec Superman enchaînant une épreuve après l'autre. le scénariste joue avec l'écoulement du temps, ce qui incite le lecteur à rester concentré pour comprendre la logique de certains enchaînements. À la fin du premier chapitre, Superman se trouve sur la planète Rann, et à la première page du chapitre 2 il est à nouveau sur Terre, sans que King n'explique s'il y est retourné suite à la localisation d'Alice pour dire au revoir (hypothèse la plus probable) ou s'il s'agit d'un souvenir datant de quelques jours (pas impossible non plus). le même phénomène de rupture se produit entre le chapitre 5 et le chapitre 6 : d'une page à l'autre, Superman passe d'une salle d'attente sur une planète extraterrestre à un champ de bataille de la seconde guerre mondiale, sans aucune explication. Même hiatus entre le chapitre 6 et le 7. le lecteur en vient même à se demander s'il ne s'agit pas de bouche-trou dans l'histoire, ce qui n'a aucun sens puisqu'il s'agit du même scénariste et du même dessinateur. Il lui faut à chaque fois prendre un peu de recul pour comprendre le lien logique. D'un autre côté, Tom King ne se contente pas d'enfiler des aventures spectaculaires, il met aussi Superman dans des dilemmes cornéliens. Doit-il quitter la Terre en abandonnant ses habitants et sa femme à toutes les menaces incessantes, juste pour sauver une petite fille qui croit en lui ? Peut-il se montrer à la hauteur de l'espoir qu'Alice entretient dans le fait qu'il la sauvera ? Doit-il vraiment refuser de capituler même quand il sait qu'il n'a aucune chance, que les probabilités sont contre lui ? Au fur et à mesure que Superman est confronté à ces évidences qui sont contre lui, son caractère se dessine plus précisément, montrant ce qui fait de lui un héros.

Pour un récit servant à attirer de nouveaux lecteurs, ses caractéristiques sont un peu déconcertantes. D'un côté, Andy Kubert, Sandra Hope et Brad Anderson assurent le spectacle avec l'emphase attendue pour un récit de superhéros, avec des séquences conçues pour impressionner. de l'autre côté, Tom King fait preuve d'une ambition plus élevée en brossant le portrait psychologique d'un individu refusant de décevoir une fillette qui croit en lui, de revoir ses exigences à la baisse. Mais il a aussi choisi de privilégier les effets de surprise, aux dépends parfois de l'intelligibilité des transitions.
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