Un affreux spectacle m'attendait. Quelque chose que je n'avais jamais vu auparavant, quelque chose qu'aucun homme ne doit voir à nouveau.
On a essayé de décrire Hiroshima après l'explosion atomique du 6 août 1945. Mais personne n'y a réussi. Personne ne pourra jamais en faire une description exacte. Ce qui était arrivé alors dépasse en horreur tout ce que l'imagination humaine a pu enfanter.
L'Occidental, et en particulier l'Américain, peut se comparer à un chaudron dont le couvercle n'est pas fixé et laisse avec régularité s'échapper la vapeur. Le Japonais, lui, pourrait être assimilé à une casserole à pression. Même la chaleur, même pression, mais dans le dernier cas la vapeur peut se concentrer pendant un temps sans manifestations extérieurs. Quand à la fin elle s'échappe, elle le fait avec violence.
On comprend ainsi pourquoi le Japonais, à certains moments, apparaît comme un exemple de politesse, de sérénité, d'humilité et de déférence à l'égard d'autrui, et à d'autres, peut se rouler à terre dans des crises de rage ou de passion quasi hystériques. Voilà la raison pour laquelle il est capable d'attaquer l'ennemi avec tant de fanatisme. Il peut faire preuve d'autant de haine que d'amour et d'affection.
De tout votre cœur, accomplissez votre devoir et rappelez-vous que l'honneur représente plus qu'une montagne alors que la mort n'est que l'équivalent d'une plume...
En général, les attaques de Kamikaze étaient menées par vagues de quinze ou vingt appareils, à trente minutes d'intervalle. Bien que je n'en ai jamais été témoin, il paraît que certains pilotes suicide étaient attachés dans leur cabine de manière à ne pouvoir en sortir. Par contre, je vis fréquemment des Kamikaze ouvrir leur habitacle, une fois en vue des navires ennemis, et agiter leur écharpe en signe d'adieu. Dernière preuve de bravoure qui les aidait peut-être à accomplir sans faiblir le plongeon fatal.
En dépit de toutes les scènes de mort et de souffrance dont il avait été témoin, Tastsuno croyait que l'homme a un but à atteindre, que la vie, si pénible et décevante soit-elle, est une épreuve, que la plus terrible douleur physique ou morale a sa place dans l'évolution spirituelle.