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Critique de Tibere


Difficile de poser un avis sur cette oeuvre extraordinaire. Derrière ce grand récit presque féérique du moyen-âge carolingien se cache une finesse psychologique un peu ironique et une modernité impressionnante. le Roland Furieux est moderne a plus d'un titre, moderne devant sa liberté prise devant la religion catholique qui semble se transformer en une immense mythologie où, comme les Dieux de l'Olympe grecs d'antan, elle agit sur la fortune et l'infortune des héros de cette histoire, qui eux-mêmes ne respectent que rarement les dogmes chrétiens.

Moderne aussi par sa position novatrice envers les femmes de cette époque. On est loin du récit de chevalerie où une jeune femme est enfermée dans un château et attends qu'un gentil chevalier vienne la sauver. Ici, c'est souvent le contraire ! La stupéfiante Bradamante, qui sauve sans cesse son Roger des griffes des magiciennes et de mortels ennemis. Sans oublier Marphise, cette guerrière sarazzine qui n'hésite pas à se battre contre des hommes paladins. Et la vertueuse Isabelle, qui réussit à conserver sa chasteté par un moyen terrible mais redoutable : la mort.

Et puis, il y a aussi Angélique. Mais elle, je pourrai en écrire tout un roman, tant ce personnage est devenu un symbole dans toute la culture occidentale. le Roland Furieux parle aussi, justement, de ce Roland, qui aime Angélique, mais qui découvrant que celle-ci s'est donnée à un autre que lui, Médor, devient fou et abandonne tout ses devoirs de chevalier. Cette folie, c'est l'incarnation même de la désillusion. Roland croyait être aimé d'une femme qu'il n'a que rarement vue. Rêveur, il retrouve la réalité et après s'être senti aimé, décide de se faire détester, haïr jusqu'au plus profond de lui-même. Il ne parle plus, il hurle comme un animal. Il détruit le lieu où Angélique et Médor se sont aimés. On peut se demander d'ailleurs si cette sorte d'Eden en proie à la destruction n'est pas un reflet de la chute d'Adam et Eve, et qu'au fond, ce Roland furieux n'est ni plus ni moins un Dieu vengeur mais incapable d'assumer la chose la plus naturelle : l'attraction charnelle, réprouvée par l'Eglise de son temps. Mais ce serait peut être allé un peu loin dans cette analyse !

Le mouvement aussi est très important dans cette oeuvre. On voyage sans cesse, on ne s'arrête que très peu. Les récits s'enchainent rapidement. On passe d'un héro à un autre en quelques lignes. La liberté est partout. C'est d'ailleurs ce qui commence à naitre dans cette Renaissance, le désir de liberté. On (re)découvre un nouveau continent, la science se détache du carcan théologique, la Réforme va bientôt détruire l'unité catholique, bref, la folie de la nouveauté est en train de se répandre en Europe. L'Arioste (mais aussi Don Quichotte puis Le Tasse avec sa Jérusalem Délivrée) a compris ce changement et son chef d'oeuvre n'en est que le reflet. Bref, c'est un monument et je désespère de ne pas avoir appris l'italien pour mieux goûter cette prose !
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