Contes du Bocage vendéen

[...] les victimes des _moulitoires_ décidèrent, sur la proposition du grand valet, des festoyer dans les landes de Saint-Sulpice. Trois garous des environs furent chargés de se rendre chez eux et d'en rapporter quelques provisions avec les ustensiles nécessaires pour faire la cuisine. Comme ils étaient bons coursiers ils revinrent bientôt. En un instant, le repas fur prêt et déjà les possédés se promettaient de faire bonne chère. Malheureusement ils avaient compté sans le curé qui, appelé au chevet d'un mourant, troubla la fête. Chacun s'enfuit de son côté, oubliant d'emporter les plats et les marmites. Le pasteur les fit ramasser et le dimanche suivant, à la sortie de la messe, ils furent vendus aux enchères.

Revenus à leur état normal, les non banqueteurs assistaient à l'adjucation de leur vaisselle : "Ma marmite, disait l'un, ma casserole, ajoutait l'autre !." Mais aucun d'eux n'apporta de réclamations et ne voulut s'opposer à la vente. Ils eussent trahi le redoutable secret qui fait du garou un réprouvé.

Un sorcier proposa à un de ses amis de l'emmener dans un bois : "Viens avec moi, dit-il, et me laisses faire, tu verras des choses merveilleuses !" L'ami intrigué accepta et le soir nos hommes se rendirent dans un taillis. Le sorcier s'était muni d'un petit pot : "Donne que je prennne une goutte de son sang et du pot va sortir une _poule noire_ avec laquelle nous obtiendrons tout ce que nous voudrons !" Epouvanté, sachant quelle responsabilité il encourait après la mort, le compagnon du jeteux de sorts refusa et le mécréant ne put avoir la poulette. Le mystérieux animal est une sorte de pierre philosophale ; quand son propriétaire lui met une pièce dans le bec, la poulette en rapporte deux. Pour faire périr la bête, il faut lui donner en nourriture un peu de farine mise sous l'auteur à l'insu du prêtre pendant qu'il officie.