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Critique de popie21


La Princesse de Clèves, lecture obligée de mon fils pour le nouveau Bac de Français. Tellement nouveau, le Bac, qu'on lui fait lire les mêmes livres que dans les années 80. Ainsi, sans lui en dire pour autant la raison, c'est en lui faisant lire Mme de Lafayette qu'on entend l'initier à la condition féminine. Il faut avouer que Mme de Lafayette est un personnage révolutionnaire, avec toute sa tête ! Voilà une femme qui se targue d'écrire en 1678. Allons voyons ! Une femme qui écrit, ah ah ah, la belle plaisanterie !!

Mais Mme de Lafayette écrit bien, très bien même ! Sa préciosité même ridicule, n'est-ce pas Jean-Baptiste ? est tout à fait conforme à l'époque. Elle sait construire une histoire bien mieux que certains de nos contemporains. La mise en contexte, l'incipit comme on dit, nous plonge aisément dans la vie de la Cour du Roi Henri II (par contre mon fils s'en fout) et nous hameçonne adroitement quant au destin de Mlle de Chartres. Mme de Lafayette sait guider, tromper, égarer son lecteur pour le mener vers l'inéluctable conclusion. Mais pour un peu, elle écrirait comme un homme cette femme là, mieux peut-être, après tout elle était bien placée pour connaître le coeur des femmes.

Simplement j'hésite, la condition féminine est-elle améliorée dans l'esprit de nos bambins de seize ans après cette lecture ? Pour peu qu'ils soient allés jusqu'au bout, ce qui je l'avoue, n'est pas le cas du mien, de fils, mon fils, faut suivre un peu aussi... La réponse est non, hélas non. Une femme qui écrit à cette époque cela ne les surprend pas, comment leur faire comprendre que la broderie était le seul destin envisageable ? le rang social les ennuie au plus haut point, une femme qui n'a rien d'autre à penser des ses journées que savoir si elle donnera son coeur, cui-cui ! Non seulement mon fils s'est ennuyé au point de stopper sa lecture, comptant sur un vague résumé trouvé sur le net et sur la confiance sans failles attribuée à sa mère adorée, mais le fait est que j'ai bien plus fait avancer la condition féminine dans son esprit (oui je m'aime) que l'exploit de Mme de Lafayette.
A cet âge, en 2019, comment compatir ne serait-ce qu'un instant à la condition de cette Princesse ? Même avec un peu de recul et les explications désabusées de leur professeure obligée de leur faire étudier ce livre, ils n'en comprennent pas l'intérêt (et là je les comprends), ils ne sont pas du tout impressionnés qu'une femme ait pu écrire un livre (voyez qu'on fait des progrès) mais en revanche les atermoiements sans fins, les revirements et les scrupules de cette jeune fille qu'ils éliraient volontiers Miss Cruche 1559 leur passe à plusieurs miles au-dessus de la tête.

En conclusion, j'ose prétendre même si cela devient dangereux ici, j'ose prétendre que pour défendre la condition féminine, auprès de jeunes de seize ans en 2019, avec des livres mieux que bien écrits et un talent incomparable, on aurait pu leur faire lire Simone de Beauvoir à la place car Mme de Lafayette prouve seulement - même si c'est déjà beaucoup - qu'une femme peut écrire comme un homme, même en 1678. En effet, aussi bien qu'un homme, elle est capable d'ennuyer, de navrer et de décevoir son lecteur. le plus grand danger auquel on expose nos enfants par ce genre de lecture, c'est de leur confirmer que les livres sont un truc chiant et soporifique, uniquement destinés aux adultes vieillissants qui, étant nés hier, n'ont aucune idée de leur vie à eux et de ce qui est vraiment kiffant dans la life.
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