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Critique de Petitebijou


J'ai glissé lentement dans ce livre comme dans un bain chaud aux effluves entêtants et ensorcelants.
J'ai dû m'accrocher un peu au début, car chaque page est d'une densité extrême, mais n'ai pu résister à la séduction d'un style rare, magnifique, à vrai dire qui ne ressemble guère à ce que j'ai pu lire jusqu'ici.
L'histoire centrale est celle d'une petite fille née et grandissant à Tounjaz Miracle, une terre « née d'une magnifique bourrasque des temps immémoriaux », tentant de s'affranchir de nombreuses prisons, culturelles, religieuses, à la conquête de sa vérité de femme, de son corps, ses désirs, avide de vérité et de liberté dans un environnement paradoxal d'amour et de tradition.
Roman initiatique oui, mais bien plus que cela. Plus qu'un livre, il s'agit d'un voyage, d'une traversée à la fois onirique et crue dans la vie d'une femme en devenir.
La richesse et la singularité du roman tiennent au fait de ce perpétuel basculement entre conte et confession, tradition et modernité, douceur et violence. Souad Labbize transcende les faits et les émotions en les enveloppant d'une langue foisonnante et subtile, nous entraînant dans des mondes de sons, de senteurs, de couleurs qui nous font tourner la tête et nous hypnotisent.
Le roman est découpé en courts chapitres, alternant les lieux et les scènes, mais jamais l'on ne perd le fil conducteur car l'ensemble est admirablement bien construit. La maîtrise du récit est remarquable tant les mots nous charment, nous caressent, ou nous frappent de plein fouet, charriant des blessures intimes dont le sang coule dans un silence assourdissant.
Ce qui m'a le plus touchée dans ce récit, outre ce beau et sensible portrait de femme, est la déclaration d'amour que fait Souad Labbize à la langue, langue arabe comme française. Ce rapport à la langue irrigue son style, le fertilise, et constitue à mes yeux son essence d'auteur. Je me suis reconnue, peut-être parce que méditerranéenne (d'une autre tradition mais dont il me fallut aussi m'affranchir), de la même génération. Mais plus encore dans mon propre rapport à l'écriture qui me fait m'interroger sur toutes les langues qui me constituent, y compris certaines que je ne parle pas mais que je peux entendre, si, pour emprunter à David Grossman, autre auteur méditerranéen, « j'écoute avec mon corps ».
Ce roman mérite de nombreux lecteurs, car sa qualité dépasse largement la moyenne des romans que l'on trouve en nombre dans les lieux dits de culture.
Pour ma part, se lecture m'a été une divine surprise et je vous encourage à le découvrir.
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