Comment est-il possible de supporter la déchéance de l'être qu'on a aimé ? Comment fait mon père ? Et il veut tout gérer tout seul.
C'est vrai qu'elle découvre, tous les jours, des visages inconnus. L'ami, le parent de la veille, lui sont, le lendemain, parfaitement méconnaissables. Les plus proches sont, chaque jour, des étrangers. Comme un virus d'ordinateur qui détruit la mémoire vive, et efface des fichiers, l'un après l'autre, chaque jour. Une visiteuse chargée de moins en moins de bagages.
À l'heure où j'écris, elle n'est plus qu'une plante La mémoire est effacée, l'amnésie est totale.
Aujourd'hui, je pense que si ma mère est devenue folle, c'est aussi parce qu'elle ne voulait pas nous voir partir, devenir adultes... Parce qu'elle ne voulait pas être seulement un mode de passage de la vie.
Pour elle, l'histoire devait s'arrêter avec elle.
C'est pour ça que je ne veux pas la voir. Parce que c'est peut-être mon existence même qui a précipité sa démence.
Parce que son histoire s'est arrêtée avant notre naissance. Ou parce que notre naissance était pour elle la fin de l'histoire.
Aurait-elle pu être soignée, guérie ? Bien sûr que non. Mais aurait-on pu enrayer la maladie, la retarder ? Je ne sais pas.
Je sais bien qu'Elle va mourir, et que je regretterai de lui avoir "manqué", même si elle ne sait plus qui je suis.
Je n'écris pas sur la maladie de maman : je rode autour des causes.
Face à la maladie d'Alzheimer de leur mère,trois filles ,devenues mères à leur tour, se retrouvent confontées à leurs frustrationset à leurs blessures entassées depuis l'enfance.Trois filles ,trois façons de réagir, de gérer les émotions, de voir la vie, trois façons de vivre les liens indissolubles qui unissent une famille.