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Critique de Myriam3


Sans aucun doute le roman le plus noir, le plus violent de Dany Laferrière, lui qui se caractérise en général par une certaine légèreté dans le ton. C'est aussi un roman plus dense, aux chapitres plus longs, plongeant dans de plus amples réflexions sur la vie et la mort réelle et non d'un point de vue philosophique, sur la politique aussi. Tout ce qui différencie ce roman, celui de la transition entre le Haïti de l'enfance et le Québec de l'âge adulte, de ses autres romans.
Une nuit dans la vie du jeune Dany Laferrière, 24 heures à peine qui changeront définitivement sa vie.
Dany a 23 ans et est journaliste à Port-au-Prince. Dans la culture, même pas dans la politique. Pourtant, son ami Gasner vient d'être assassiné par les Tontons Macouts et le jeune Dany est le prochain sur la liste. Sa mère lui trouve un passeport et un billet pour Montréal, il doit partir le lendemain. Et absolument garder le secret de ce départ pour ne pas risquer sa vie.
Ces 24 heures seront l'occasion pour le jeune Dany mais aussi le narrateur 20 ans plus tard de déambuler une dernière fois dans Port-Au-Prince, de revoir ses amis, d'observer son pays d'un regard neuf et déjà étranger, sa pauvreté, sa corruption, ses décennies de dictature, de Duvalier à Bébé Doc en passant par Papa Doc (celui qui au passage avait déjà poussé le père de Dany à s'exiler près de vingt ans plus tôt), ses prostituées, la mort à chaque coin de rue même en plein jour, les trahisons, le sexe aussi, comme symbole de vie, l'engagement politique ou non, l'amour de sa mère, et l'exil à venir.
Une nuit d'errance dans la ville teintée de magie par la présence (réelle? imaginée? de Legba, divinité qui ouvre les portes d'un monde à l'autre).
Grande lectrice de Dany Laferrière, j'ai aimé le découvrir sous un autre jour, beaucoup plus tragique et plongé dans un monde de violence si différent du Haïti de son enfance auprès de Da, sa grand-mère.
J'ai aimé que cela se passe sur moins de 24 heures, et que cette errance (en partie fantasmée sans doute et réécrite par le Dany de 20 ans plus tard sous l'aune du voyage d'Ulysse) soit le moyen pour l'auteur de tenir en cercle autour de lui tant de réflexions si précieuses sans que cela ne soit ennuyeux, au contraire.
J'ai aimé encore une fois son vrai talent de conteur-magicien, capable de nous faire traverser le temps (lui qui dit qu'il confond souvent passé et avenir), de nous perdre dans la temporalité, le réel et l'imaginaire.
Et j'ai réellement découvert cette fois-ci cette violence subie des Haïtiens que l'auteur, pour une fois, nous révèle sans détour. On peut comprendre le malaise qu'il a dû longtemps ressentir, de s'être enfui "comme un lâche" du jour au lendemain laissant ses amis pour se réfugier au Québec, cette culpabilité avec laquelle il tente ici de se réconcilier par le récit de cette nuit d'errance.
La fin du roman annonce L'Enigme du Retour, autre roman plus grave de l'auteur, mais qu'il ne publiera que 9 ans après celui-ci.

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