Ce siècle est le nôtre ; en plein devenir il nous entraîne vers des horizons nouveaux comment, dès lors, nous en détacher assez pour pouvoir le juger ?
Ce livre est le sixième et dernier volume de la collection Lagarde et Michard (Anthologie et histoire littéraire). Le lecteur y retrouvera à peu près la même méthode de présentation que dans les recueils précédents : les vues d'ensemble de l'histoire littéraire s'éclairent par le contact direct avec des pages représentatives qui permettent à chacun de fonder son appréciation personnelle.
Tant qu'il s'agissait des siècles passés, la sélection opérée par le temps avait facilité notre choix. Mais à mesure qu'on se rapproche de l'époque contemporaine, cette tâche devient plus délicate. Aussi avons-nous dû adapter notre méthode à cette situation nouvelle.
Certains auteurs dominent évidemment le siècle : il était donc normal de les présenter avec autant d'ampleur qu'un Montaigne, un Racine, un Voltaire, un Victor Hugo ou un Balzac.
D'autres paraissent d'ores et déjà assurés d’occuper à l'avenir une place de choix : nous leur avons réservé ses analyses approfondies, illustrées par de larges extraits qui donnent de leur œuvre un reflet assez fidèle et invitent à examiner de plus près telle page célèbre...
(extrait de l'avant-propos inséré en début du volume paru chez "Bordas" en 1997)
Surprise
Je meditais; soudain, le jardin se révèle
Et frappe d'un seul jet mon ardente prunelle.
Je le regarde avec un plaisir eclaté;
Rire, fraîcheur, candeur, idylle de l'été !
Tout m'émeut, tout me plait, une extase me noie,
J'avance et je m'arrête; il semble que la joie
Était sur cet arbuste et saute dans mon coeur !
Je suis pleine d'élan, d'amour, de bonne odeur,
Et l'azur à mon corps même si bien sa trame
Qu'il semble brusquement, à mon regard surpris,
Que ce n'est pas ce pré, mais mon oeil qui fleurit
Et que, si je voulais, sous ma paupière close
Je pourrais voir encor le soleil et la rose.
Anna de Noailles (1876-1933)
Les Éblouissements