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Critique de AMR_La_Pirate


D'abord, j'ai découvert la plume de Vincent Lahouze sur les réseaux sociaux, une belle plume, sensible, touchante, brute et poétique à la fois, une plume qui avait besoin de dire, de sortir du coeur et des tripes… Bref, j'aimais bien sa façon d'écrire et je le suivais de loin.
Et puis, j'ai découvert que nous avions des horizons communs, des choses plus intimes sur lesquelles je ne m'étendrai pas plus que nécessaire. Celles et ceux qui savent, savent…
Je savais donc que, tôt ou tard, je lirai Rubiel e(s)t moi… Quand j'ai enfin rencontré Vincent, en vrai, lors d'une dédicace, je lui ai parlé de mon émotion qui devait un peu retomber avant que j'entreprenne cette lecture. Fausse excuse ! L'émotion ne retombera pas… et c'est donc pas tout à fait impartiale que je publie ce billet d'humeur livresque. Je pensais me cantonner à un survol du sujet traité et me pencher surtout sur l'écriture et le style, histoire de ne pas trop payer de ma personne, mais c'est tout simplement impossible pour moi…

Cette biographie fictionnelle commence comme un conte, dans un orphelinat au bout du monde… Mais c'est très réel : en Colombie ou ailleurs, il y a des enfants abandonnés qui espèrent que des parents venus de France ou d'ailleurs viendront pour les adopter… Ces enfants, quand ils ont cette chance, partent et abandonnent à leur tour leur ancienne vie derrière eux. du moins, c'est ce que l'on croit, ce qu'on imagine de loin. Ainsi à quatre ans, Rubiel est adopté et devient Vincent… Mais l'adoption, même si c'est une merveilleuse aventure humaine, « une bénédiction », ne rompt jamais totalement l'histoire de l'enfant ; quel que soit son âge au moment de la déclaration d'abandon, quel que soit son âge au moment de l'adoption, cette histoire existe et doit être reconnue. Ce roman met en lumière cette dualité, cette « malédiction », qui ne quittera jamais un enfant adopté. Vincent va nous raconter son parcours d'enfant, d'adolescent et de jeune adulte à la première personne et imaginer ce qu'aurait été la vie de Rubiel si ses parents n'étaient pas venus le chercher en Colombie. Toujours, dans son JE, il y a et il y aura ce IL fantasmé…
Pour mettre en mot ce dédoublement, cette « bombe à retardement », il faut l'avoir vécu… et Vincent Lahouze sait de quoi il parle. Ce livre est un témoignage, une confession, une mise à nu et une quête.

Quand c'est Vincent qui parle, je reconnais son style, sa patte ; l'auteur se livre et se raconte, sans mise en scène. Que les âmes sensibles s'accrochent, à leurs mouchoirs et à leur indignation, car ce qu'il raconte est vrai ; celles et ceux qui sont passés par là, parents adoptants et enfants adoptés, pourront en témoigner… Et encore, Vincent ne se laisse pas gagner par un pathos excessif ; il reste factuel quand il repense à certaines scènes (celle de l'école notamment…) ou à certaines réflexions qu'il a eu à entendre et à laisser glisser. Et il est évident qu'il ne livre ici que quelques faits marquants…
Quand il met en scène Rubiel, c'est l'écrivain en devenir qui construit un récit d'apprentissage fait de rencontres, d'épreuves et de petits bonheurs. Les deux vies sont relatées en miroir l'une de l'autre, celle vécue et celle imaginée. Là encore, les péripéties s'enchainent à la lumière de l'Histoire de la Colombie et de la vie dans la rue ; tout est plausible, documenté…
Des passerelles se créent entre Vincent et Rubiel qui vivent des évènements significatifs aux mêmes âges, partageant les émois adolescents, les prises de risques et les affinités littéraires. Je n'en dirai pas plus pour ne pas divulgacher l'écheveau narratif mis en place par l'auteur ; le final, qui pourra déconcerter, est pour moi exemplaire à la fois par le style et par la signification profonde.

L'écriture est belle, maîtrisée quand il le faut, libérée aussi par moment, puis à nouveau précise et ciselée, puis énumérative et délirante. Il n'y a pas de dialogues et c'est assez frappant ; les passages parlés sont entre parenthèse et en italique… Je ne pense pas que Vincent fasse partie de ces auteurs, incapables de faire parler leurs personnages, maladroits quand il s'agit de faire vrai et naturel… Si ces moments du récit ne suivent pas la norme typographique, c'est qu'il y a une autre raison, plus intime, plus psychique ; selon moi, ces voix s'expriment de plus loin que la simple inspiration littéraire.
J'ai retrouvé avec un immense plaisir un univers référentiel qui me correspond, littéraire autour du grand Gabo, Gabriel García Márquez ou cinématographique avec Lion, réalisé par Garth Davis. J'ai apprécié tout l'art de la métaphore autour de la lettre C, entre paradis artificiels et jeunes femmes qui ont compté, avec en filigrane le C de la Colombie, celle de Rubiel et de Federico, celle de Vincent qui veut y retourner, la mienne aussi et celle d'une personne qui m'est très proche… Suivant Vincent sur les réseaux sociaux, j'étais déjà familiarisée avec ses jeux de mots sur les pères et mères, biologiques et adoptifs et en totale résonnance avec leurs différents sens.

Avec Rubiel e(s)t moi, Vincent Lahouze revisite avec sincérité et originalité le thème de l'adoption, fréquent en littérature sous la forme de témoignages divers, parcours du combattant des parents, retour vers les origines des enfants, récits de filiation… Il y met son empreinte, et pose en mots ses maux et ses bonheurs, les siens et ceux des autres qui se reconnaitront dans ce livre.
Son roman est excellent… En disant cela, je suis impartiale…
Et puis, il y a tous les moments de lectures qui ont fait remonter une émotion à la fois enfouie en moi et toujours à fleur de peau : la rencontre entre Rubiel et ses parents, les pensées pour la « maman d'avant », les rues de Bogotá, l'escapade à Villa de Leyva avec l'achat du chapeau…
Je vous l'avais dit Vincent, il y a trop d'émotions…
Merci pour ce livre.


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