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Critique de Bouteyalamer


Ce livre sous-titré « Vivre et travailler dans des communautés utopiques » porte sur des exemples concrets, contemporains, de communautés intentionnelles. Leur définition n'est pas simple : « Un projet commun qui place le groupe en situation de rupture avec la société dans son ensemble ; une priorité donnée au bien collectif sur les choix individuels ; une proximité géographique ; des interactions personnelles entre les membres ; une économie de partage, totale ou partielle ; une existence concrète, au-delà des utopies de papier (…) ; et une masse critique de communards dont on peut fixer le seuil minimal à cinq » (p 16). Si l'auteur est français, toutes les communautés qu'il décrit sont américaines et ses informations de première main viennent d'une seule communauté, celle des Twin Oaks en Virginie.

Qui sont les communards de Twin Oaks ? Des jeunes, à leur arrivée du moins ; des blancs, diplômés des classes moyennes, avec une égale représentation d'hommes et de femmes ; issus de familles qui généralement fonctionnent ; rarement enfants uniques (p 154). Ils veulent fuir les hiérarchies, les contraintes, les compétitions, désirent « se libérer de la chape de plomb qui continue à peser sur les orientations de genre jugées hors normes par le puritanisme ambiant » (p 186). Ils travaillent dans leur communauté, vivent une vie frugale, laborieuse, difficile, qui n'a rien d'orgiaque, loin de la vie fantasmée des hippies des années 60. Ils partagent un système de valeurs (le terme d'axiologie revient partout dans le livre) : égalité, tolérance, amour et protection de la nature, mise en commun des enfants. Toutefois l'égalité reste un idéal et les conflits sont fréquents, justifiant de nombreuses contre-régulations quand certains refusent d'assumer leur part de travail, cherchent une position dominante, ou laissent aux femmes le soin des enfants et les corvées ménagères. La vague féministe de la fin des années 70 entraine d'ailleurs une relative séparation des sexes avec des « women's events » et des « men's gatherings ». le désir d'égalité finit par justifier la construction d'un système complexe de crédits à valider, qu'il faut souvent renégocier, une heure de travail valant un crédit avec une modulation en plus ou en moins selon la pénibilité ou l'intérêt du travail. Ces crédits alimentent un pécule pour le superflu (bière, tabac, sorties), les imprévus (soins médicaux) et pour les vacances : en effet les communards prennent chaque année deux semaines de vacances dans le monde « straight » …

Un sous-groupe peu détaillé, décrit très tard dans le livre est celui des enfants (chapitre 13 : « Enfants communards : la petite communauté de Degania »). Ils ne sont pas vraiment bienvenus. La règle est d'un enfant pour cinq adultes au maximum (p 449) et les couples doivent obtenir une autorisation d'enfantement (p 450). le communisme familial impose que les enfants soient élevés en commun dans un bâtiment dédié, Degania, sous le contrôle de quelques primaries (parents biologiques) et metas (parents désignés). le livre ne précise guère les méthodes ni le contenu de leur éducation et de leur instruction, sans doute dans les limites du primaire. Il signale que la pension à Dégania est mal tolérée par certains parents qui abandonnent la communauté à ce motif. Brave New World ?

L'utopie se cherche et n'est pas facile à vivre, ce qui ne surprendra personne. L'un des derniers chapitres, intitulé « utopie concrète et bricolage communautaire », résume par son titre l'observation participante de l'auteur, une observation modeste, patiente, toujours bienveillante. On peut aussi choisir une citation des premières pages donnée par une pionnière : « À l'évidence, Twin Oaks n'est pas un paradis. Pour une raison simple : je ne suis pas un ange. Si vous viviez ici, vous ne seriez pas un non plus. le commun des mortels ne peut bâtir de paradis. Nous pouvons cependant nous efforcer de construire une utopie. Ce n'est pas grave si nous n'y sommes pas encore parvenus. Nous y travaillons ».

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