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EAN : 9782021429749
560 pages
Seuil (17/10/2019)
4/5   3 notes
Résumé :
Depuis la fin des années 1960, des femmes et des hommes ont décidé de projeter leurs « rêves en avant » en faisant le choix de vivre en communauté. Pour faire pièce à la société capitaliste et donner vie à leurs idéaux, ils ont bâti des utopies concrètes. Afin de comprendre la logique et la portée de ces initiatives multiples, il faut se demander non seulement qui sont les « communards », mais aussi ce qu’ils font. Il convient, autrement dit, d’examiner la manière d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce livre sous-titré « Vivre et travailler dans des communautés utopiques » porte sur des exemples concrets, contemporains, de communautés intentionnelles. Leur définition n'est pas simple : « Un projet commun qui place le groupe en situation de rupture avec la société dans son ensemble ; une priorité donnée au bien collectif sur les choix individuels ; une proximité géographique ; des interactions personnelles entre les membres ; une économie de partage, totale ou partielle ; une existence concrète, au-delà des utopies de papier (…) ; et une masse critique de communards dont on peut fixer le seuil minimal à cinq » (p 16). Si l'auteur est français, toutes les communautés qu'il décrit sont américaines et ses informations de première main viennent d'une seule communauté, celle des Twin Oaks en Virginie.

Qui sont les communards de Twin Oaks ? Des jeunes, à leur arrivée du moins ; des blancs, diplômés des classes moyennes, avec une égale représentation d'hommes et de femmes ; issus de familles qui généralement fonctionnent ; rarement enfants uniques (p 154). Ils veulent fuir les hiérarchies, les contraintes, les compétitions, désirent « se libérer de la chape de plomb qui continue à peser sur les orientations de genre jugées hors normes par le puritanisme ambiant » (p 186). Ils travaillent dans leur communauté, vivent une vie frugale, laborieuse, difficile, qui n'a rien d'orgiaque, loin de la vie fantasmée des hippies des années 60. Ils partagent un système de valeurs (le terme d'axiologie revient partout dans le livre) : égalité, tolérance, amour et protection de la nature, mise en commun des enfants. Toutefois l'égalité reste un idéal et les conflits sont fréquents, justifiant de nombreuses contre-régulations quand certains refusent d'assumer leur part de travail, cherchent une position dominante, ou laissent aux femmes le soin des enfants et les corvées ménagères. La vague féministe de la fin des années 70 entraine d'ailleurs une relative séparation des sexes avec des « women's events » et des « men's gatherings ». le désir d'égalité finit par justifier la construction d'un système complexe de crédits à valider, qu'il faut souvent renégocier, une heure de travail valant un crédit avec une modulation en plus ou en moins selon la pénibilité ou l'intérêt du travail. Ces crédits alimentent un pécule pour le superflu (bière, tabac, sorties), les imprévus (soins médicaux) et pour les vacances : en effet les communards prennent chaque année deux semaines de vacances dans le monde « straight » …

Un sous-groupe peu détaillé, décrit très tard dans le livre est celui des enfants (chapitre 13 : « Enfants communards : la petite communauté de Degania »). Ils ne sont pas vraiment bienvenus. La règle est d'un enfant pour cinq adultes au maximum (p 449) et les couples doivent obtenir une autorisation d'enfantement (p 450). le communisme familial impose que les enfants soient élevés en commun dans un bâtiment dédié, Degania, sous le contrôle de quelques primaries (parents biologiques) et metas (parents désignés). le livre ne précise guère les méthodes ni le contenu de leur éducation et de leur instruction, sans doute dans les limites du primaire. Il signale que la pension à Dégania est mal tolérée par certains parents qui abandonnent la communauté à ce motif. Brave New World ?

L'utopie se cherche et n'est pas facile à vivre, ce qui ne surprendra personne. L'un des derniers chapitres, intitulé « utopie concrète et bricolage communautaire », résume par son titre l'observation participante de l'auteur, une observation modeste, patiente, toujours bienveillante. On peut aussi choisir une citation des premières pages donnée par une pionnière : « À l'évidence, Twin Oaks n'est pas un paradis. Pour une raison simple : je ne suis pas un ange. Si vous viviez ici, vous ne seriez pas un non plus. le commun des mortels ne peut bâtir de paradis. Nous pouvons cependant nous efforcer de construire une utopie. Ce n'est pas grave si nous n'y sommes pas encore parvenus. Nous y travaillons ».

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Michel Lallemant, professeur de sociologie du travail au CNAM, s'intéresse aux micro sociétés utopiques américaine, appelées "intentional communities" et, en particulier l'une d'entre elles, Twin Oaks.
Fondée en 1967 dans l'État de Washington DC, Twin Oaks a développé son activité jusqu'à nos jours sur l'emplacement d'une ferme tabatière de Virginie. Inspirée à l'origine du Walden de Henry David Thoreau, mais surtout d'un remake moderne, Walden II, publié en 1948 par B. F. Skinner, psychologue béhavioriste qui gardera un oeil bienveillant mais distant sur l'expérience inspirée de son livre.
Michel Lallemant, en sociologue scrupuleux, s'appuie sur le dépouillement des archives : rien n'est laissé dans l'ombre de la vie de la petite communauté, composée d'une centaine de personnes, jeunes blancs, issus des classes moyennes, éduqués, d'origine plutôt urbaine, dans laquelle il a séjourné.
Comme dans la plupart des micros sociétés utopiques, les idéaux sont la tolérance, la solidarité, le respect, avec une tonalité spiritualiste, non-violente et suspicieuse à l'égard de la modernité.
Confrontée aux nécessités économiques, la communauté se spécialise très vite dans la fabrication de hamacs, et de semences végétales, seules activités rentables compatible avec ses exigences libertaires. Après avoir essayé tous les systèmes d'attribution de crédits de temps de travail, en les affectant d'un coefficient en fonction de leur pénibilité ou de leur attractivité, la communauté en est revenue au système assez simple où tous les travaux sont partagés également. Mais chacun doit donc travailler au moins 40 semaines, sept jours sur sept. La retraite n'est guère envisageable avant 92 ans (p. 378) ! Les enfants doivent travailler à partir de 7 ans sur une base un peu moins contraignante. Chacun ne dispose que de trois semaines de vacances par an. Un siècle de conquêtes sociales semble aboli ! Chiffre en mains, l'utopie n'est pas le paradis rêvé. A ce prix, la communauté a survécu un demi-siècle en sachant s'adapter, quitte à s'éloigner des idéaux de ses fondateurs.
L'étude aura montré, au passage, la fragilité de ces communautés d'intentions -ainsi dénommées au États Unis-, frappées d'une "mortalité infantile" les concernant élevée et d'un turn-over important. A peine 5 % des communautés d'origine subsistent aujourd'hui.
Contrairement à l'idée reçue, les communautés libertaires ne sont pas les plus fragiles, et les communautés charismatiques ne sont pas les plus viables à long terme. L'important, pour la réussite, "n'est pas tant le choix d'un mode d'organisation plutôt qu'un autre... que la cohérences des différentes pièces assemblées pour faire communauté" (recrutement des membres, prise de décision,organisation de travail... (p. 509)

L'auteur nous invite donc à « prendre au sérieux ce que les communards font… les communautés ne sont pas des scories de la modernité… notre futur commun pourrait être celui d'une société communautaire » (p. 526).

Mais si "l'utopie est là où se bricole le monde" selon son heureuse formule (p. 534), avant que la multiplication des petites entités alternatives ne bouscule l'ordre social dominant, on peut craindre que Sisyphe ait le temps de rouler longtemps son rocher !
Lien : https://diacritiques.blogspo..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
À l’évidence, Twin Oaks n’est pas un paradis. Pour une raison simple : je ne suis pas un ange. Si vous viviez ici, vous ne seriez pas un non plus. Le commun des mortels ne peut bâtir de paradis. Nous pouvons cependant nous efforcer de construire une utopie. Ce n’est pas grave si nous n’y sommes pas encore parvenus. Nous y travaillons
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La valeur des possessions des quatre cents personnes les plus riches [des États-Unis] équivaut à celle des 200 millions qui composent les deux tiers les moins aisés de la population. (p.10)
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[Dans le cadre d'une analyse lexicographique du livre]

Le mot "chef" est cité 7 fois... une fois déduites les 22 occurrences de l'expression « au premier chef » : ça interpelle, non, dans un livre sur l'égalité ?

[le tout dit sans malice, c'est davantage une réflexion amusée sur l'inconscient de l'auctorialité]
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