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Critique de Bologne


Il est des fleuves au destin singulier, parce qu'ils traversent tant de pays qu'ils deviennent le symbole de l'union entre les peuples. Tels sont le Rhin ou le Danube.
Il est des fleuves au destin national, qui ont fini par s'identifier à un pays ou à une ville. Tels sont le Tibre ou la Seine.
Il est des fleuves grands comme une culture, tel le Mississipi, grands comme un symbole, telle l'Amazone, grands comme une religion, tels le Gange ou le Nil.
Et il y a l'Escaut. S'il traverse trois pays, il s'identifie surtout à la Belgique. S'il relie des nations, ce sont les frères ennemis puisqu'il passe par la Wallonie et la Flandre. S'il véhicule une culture, un symbole, une religion, c'est le vaste brassage typiquement belge entre l'esprit goliard, gaillard, gouailleur — zwanzique, dirait Werner Lambersy — et la spiritualité dentellière, la mystique décisive, les chevauchées wagnériennes. Titus Bibulus Schnouffius y partage une bière mousseuse avec Wannes van de Velde dans le verre du soleil. Et tout cela,
"Tellement plat partout
Qu'on dirait l'horizon"
le poète a décidé d'en suivre les méandres et les lignes droites, depuis la jeune fille a peine pubère que forme le fleuve à Antoing jusqu'à la matrone épanouie digne des Flamandes de Jacques Brel lorsqu'il quitte Anvers. L'Escaut est femme sous sa plume, éminemment désirable, séduisant et capricieux. L'escaut est homme sous sa plume, à la verge bondissante. La pensée à le suivre s'étend aux quatre horizons et vagabonde comme un méandre d'une course cycliste aux couvents d'Audenarde puis aux révoltes de Tyll Eulenspiegel ! Itinéraire personnel, culturel, amoureux, qui se fixe comme étapes, entre Antaing et Anvers, Tournai, Audenaerde, Gand, Wetteren, Termonde.
La poésie de Werner Lambersy, ce sont d'abord des images qui se touchent, s'écoutent, se regardent. On caresse "les hanches chaudes des cheminées" ou "les fesses lisses en moules de Zélande", on écoute les cloches qui jouent à pigeon vole avec les carillons à saute-mouton, et les mots nous pénètrent au plus intime quand le poète est "vrai comme l'épingle à chapeau". Mais c'est aussi un jeu sur les mots, il devise et divise, suit la ligne du fleuve comme le prince de Ligne... Les sons même lui parlent et résument le détonant mélange des peuples, lorsqu'il évoque Tournai "aux voyelles de France aux consonnes de Flandre". Les sons et les images conjuguent leurs effets dans des formules d'une hardiesse frappante, dans "la partie d'échecs du chaume et des friches en plains champs"...
Mais ce recueil, sous-titré "suite zwanzique et folkloresque", nous adresse aussi des clins d'oeil complices, discrets, pour parler des femmes adultères "ou si peu", ou de l'homme qui courait devant les trains en sonnant une cloche pour écarter "les vaches les chiens et les passantes curieuses".
Je ne connais guère le cours de l'Escaut, pardon, Werner, et ne lis pas assez le flamand pour apprécier à sa juste valeur la traduction de Guy Coomerman, puisque la version est bilingue. Mais ton Escaut court jusqu'à Paris, puisque
"partout ou il pleut
C'est un peu la
Belgique"
Lien : http://jean-claude-bologne.c..
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