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Critique de tiben


La désertion, un titre qui déjà éveille ma curiosité, est un roman de Emmanuelle Lambert qui m'a été chaudement recommandé par Valentine Layet. Ayant une totale confiance en ses conseils depuis plus de deux ans maintenant (merci pour ta confiance Valentine), j'ai profité des vacances de fin d'année pour le découvrir.

"Le présent. Il n'y a que le présent. C'est ici, c'est maintenant et après on meurt."

Eva a disparu du jour au lendemain. Que s'est-il passé? Est-elle malade? Est-elle morte? Est-ce "tout simplement" une disparition volontaire et assumée? Ses collègues, son patron, ses amis, tout le monde ignorent ce qu'elle est devenue. Elle a tout quitté, elle ne répond plus au téléphone, c'est un mystère complet. Jusqu'à…

« Si elle répétait volontiers que c'est elle qui avait disparu, qu'elle les avait laissés, qu'elle avait déserté, elle savait que c'était plutôt eux qui l'avaient éloignée, comme ils l'auraient fait d'un corps étranger, si agressif qu'il suscite des mécanismes de défense appelant l'expulsion définitive pour cause de survie sociale, morale et affective. »

Mystère, voilà un terme qui résume bien l'état d'esprit de cet ouvrage. Fantastique? science-fiction? mise en scène? réalité? L'auteur fait tout pour maintenir ce secret et donc attiser l'intérêt du lecteur.
C'est un roman court (un peu plus de 150 pages), qui peut donc se lire en une traite, découpé en 4 parties.

Dans la première, nous avons le témoignage de Franck Bourgoin, son boss. Nous avons donc la vue côté entreprise, côté business comme on dit aujourd'hui. La face « bien » que l'on doit obligatoirement montré pour éviter les jugements. C'est la partie qui m'a été la plus compliquée à lire tant l'ambiance est malsaine, dérangeante. Je me suis senti très mal à l'aise et ai par conséquent eu beaucoup de mal à rentrer dans le roman. On retrouve ici tous les mauvais côtés du patron, son sexisme, son côté "hautain et supérieur", l'illustration même de ce fait commun « je suis le patron, tout m'est permis, je peux surtout tout me permettre », la métaphore du dominant/dominé, du maître et de l'esclave ...

La suite a été bien plus facile et surtout agréable. On aborde la vue plus personnelle, plus intime de l'héroïne. J'ai lu avec gourmandise les deux parties suivantes: le récit de Marie Claude, une collègue devenue une amie, (mon préféré) et celui de Paul, son ami, son amant. J'ai noté une écriture très fluide, belle, propre, aux mots recherchés, subtilement choisis, mais également avec des temps de conjugaison rarement usités. Quel plaisir! le style élégant, poétique apporte finesse et douceur aux souvenirs de ses deux amis. Tout est parfaitement maîtrisé par Emmanuelle Lambert. Femme complexe mais humaine, Eva semble souffrir sans toutefois le montrer vraiment.

« Eva absente, il lui gardait son amour ; il avait fait le pari que, depuis la signification secrète qu'il avait accordée au mot de collision, les aléas des événements seraient les échos répercutés d'un chant qu'ils avaient entrepris tous deux, et dont la ligne mélodique perdurerait par-dessus le temps et par de-là leurs deux vies »

Enfin, la dernière partie est celle de l'héroïne Eva. Je pensais trouver la clé de toutes les énigmes, les explications de la principale intéressée... mais je suis resté un peu sur ma faim je l'avoue. Cette dernière partie, à l'instar de la première, ne m'a pas captivé. Je suis resté un peu en dehors contrairement aux deux centrales. Je m'attendais à autre chose. mais ce ne fut donc pas le cas. L'auteur a tenu à garder intactes des zones d'ombre afin de maintenir son lecteur dans les interrogations, même si elle révèle un fait inattendu expliquant un peu le pourquoi de cette disparition désirée. Parfaitement réussi en ce qui me concerne.

La désertion est vous l'avez compris, un roman qui remue le lecteur, un roman marquant et poignant, sorte d'enquête sans meurtre ni meurtrier. Son côté clivant ne plaira clairement pas à tout le monde. En fonction de chacun, son empathie, son degré d'implication dans la lecture, son état d'esprit au moment de celle-ci, on adhérera ou restera au bord du chemin. D'un autre côté, le choix des témoignages complémentaires (monde du travail et monde personnel) est une excellente idée qui apportera des clés de réflexion utiles.

"Avant, la vie allait de soi, les jours, les heures et les minutes, parfois elle pensait même aux secondes, les instants, la vie coulait, le travail, les rares amis, mais surtout le travail, ses missions, son importance, sa noblesse, oui, sa noblesse, et les rituels de la routine, la vie coulait, rythmée par le déroulé des jours, la répétition des tâches et des lieux, des choses à faire, des choses qu'on fait, prendre un café, faire une pause, voir les gens, sortir, sortir pour des dîners, des soirées, des apéritifs, avoir des discussions, appeler la famille, sa vie coulait, réglée, sans heurts, elle allait de soi jusqu'au jour où elle la refusa et elle ne saurait pas pourquoi. "

Ce qui est certain, c'est que cette intrigue, riche, m'a profondément troublé. Elle est toujours ancrée dans ma mémoire même un mois après avoir tourné la dernière page. J'ai toujours des interrogations: sur la vie, sur la mort, sur la maladie, le mal être, sur le pourquoi d'un tel comportement de Eva... mais aussi sur le regard et les interprétations d'autrui. Forcément, on compare cette histoire avec son vécu: que penserait-on de moi avec une telle attitude? Comment suis-je vu? Et si je faisais la même chose, vivrais-je mieux ?

Une belle réussite, un roman que je vous encourage vivement à découvrir à mon tour.

4/5


Lien : http://www.alombredunoyer.co..
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