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Critique de SNaumiak


Pour comprendre le point de vue et les motivations de Rachel Lambert, j’ai voulu lire son livre. Je savais que j’y trouverais des réflexions que je ne partage pas mais je m’attendais à un livre sincère : on n’est jamais tout blanc ni tout noir, et je préfère me faire mon propre avis auprès des intéressés.
La couverture me choque : « Parce que je l’aime, je veux le laisser partir ». D’une part, pourquoi s’adresser aux lecteurs et pas à Vincent ? D’autre part, pourquoi dire « le laisser partir » ?

Le laisser partir où ? Vincent n’était pas retenu en vie par une machine, il était nourri par une sonde, ce qui lui permettait de rester vivant, comme le sont aussi les personnes anorexiques au stade grave ou les personnes opérées du bypass qui ont trop maigri : elles portent sur elles une sonde qui relie un flacon de nourriture liquide à leur estomac. Doit-on dire de ces personnes qu’elles sont maintenues en vie artificiellement ? Aucune machine, aucun respirateur, aucun cœur artificiel ne faisait vivre Vincent artificiellement. Je me suis procuré le livre en espérant trouver un point de vue en faveur de l’euthanasie totalement assumé et développé, pour pouvoir comprendre ce point de vue.

Mais ce n’est pas le cas du tout. C’est un livre malhonnête, dans lequel Rachel Lambert emploie des termes soigneusement choisis pour ne pas choquer le lecteur, pour le convaincre subtilement, via les émotions, du bien-fondé de son choix, pour qu’il croie que Vincent était vraiment retenu en vie artificiellement et qu’il n’y avait pas de solution plus sage que l’arrêt des « traitements » (soins et nourriture).
Par exemple, quand ce sont ses adversaires qui s’expriment, elle dit qu’ils s’emportent, qu’ils répètent, qu’ils prétendent, qu’ils osent dire, qu’ils divulguent, qu’ils propagent, qu’ils se déchaînent, qu’ils jugent à l’emporte-pièce, qu’ils se permettent de dire, etc., laissant entendre ainsi que les opposants à l’euthanasie ne peuvent pas s’exprimer posément, ni exprimer un ressenti légitime ou un avis fondé sur des bases solides de réflexion.
En revanche, quand ce sont ses défenseurs qui parlent, ils expliquent, ils rappellent, ils précisent, ils confirment, ils « parlent de manière objective et dépassionnée avec une voix affirmée et des gestes assurés » (p. 193, Editions J’ai lu).

D’autre part, Madame Lambert semble ne surtout pas vouloir que l’on découvre les fondements de la philosophie provie : elle n’aborde jamais cette philosophie, préférant attaquer ses adversaires dans ce qu’ils ont de politiquement incorrect : leurs sites, leurs associations, leur religion (catholique, bien sûr, c’est la seule qu’on puisse attaquer), bêtes noires des grands médias qu’ils sont. J’ai trouvé cela d’une lâcheté sans nom. Comment peut-on vouloir sincèrement être crue et comprise et agir de la sorte ? Comment peut-elle faire ce qu’elle ne voudrait pas qu’on lui fasse ? Cette manière de faire est connue, Staline disait « Traitez-les de fascistes. Pendant qu’ils se justifieront, ils n’argumenteront pas ».

Et puis j’ai trouvé des contradictions, des absurdités, des mensonges.
Par exemple, à la croire, Vincent aurait, avant son accident, « souvent répété » de manière « farouche » et « très claire » que s’il se retrouvait en grande dépendance, il tenait absolument à ce que Rachel mette fin à ses jours, il le lui a tellement fait promettre. Mais en même temps, « il n’a pas jugé utile de rédiger ses directives anticipées ». Curieux.
Aussi, R.L. explique que cette demande de promesse la choquait et la faisait pleurer, montrant ainsi la noblesse de son coeur. Mais par ailleurs, elle explique qu’entre eux, les « nombreuses discussions » sur ce sujet étaient légères, « tout à fait libres et sans aucun tabou », avec des « mots crus » comme « se faire piquer »… il est évident que dans son livre, le sujet de l’euthanasie gagne ou perd en gravité selon le message qu’elle veut faire passer.
Autre exemple : durant sa grande dépendance, quand Vincent avait des réactions qui ne l’arrangeaient pas, comme un sourire, une larme ou son regard qui suivait celui de son visiteur, ce n’étaient que réflexes neurologiques qu’il ne fallait surtout pas interpréter. Mais quand ça l’arrangeait, Vincent manifestait son désir d’en finir, son refus de se laisser soigner. C’est totalement malhonnête !

Alors, au fur et à mesure de ma lecture, j’ai relevé toutes les formules que je jugeais malhonnêtes et je les ai classées dans des catégories :
- des formules d’insistance sur le fait que Vincent souhaitait mourir s’il devenait en grande dépendance ou dans le coma ;
- des formules d’hypocrisie et de mauvaise foi ;
- des absurdités et des non-sens ;
- de la haine anticatholique et de la collaboration au politiquement correct ;
- du mépris envers les opposants à l’euthanasie ;
- des affirmations faciles ;
- du mépris envers les personnes diminuées ;
- de l’auto-admiration et des réflexions totalement compatibles avec la philosophie eugéniste (philosophie non assumée, sinon l’auteur aurait cité le docteur Pierre Simon, grand maître assumé des Loges franc-maçonnes, fondateur du planning familial en France sur le modèle du Planned Parenthood américain, qui notamment explique dans son livre « De la vie avant toute chose » qu’une société réussie est une société que l’on réserve aux individus bien portants et productifs) ;
- des mensonges, des omissions et de la déresponsabilisation ;
- quelques aveux !
- de la victimisation et des scènes théâtrales ;
- de l’auto-valorisation ;
- des formules de manipulation avec des mots bien choisis ;
- de l’égoïsme ;
- et 28 contradictions, que j’ai notées en premier. C’est énorme !

C’est édifiant quand on lit ces expressions ainsi regroupées. Vous trouverez mon document pdf dans le lien ci-dessous.

Madame Lambert préfère faire croire que la « quasi-totalité » des médecins était de son côté. Or 70 médecins étaient opposés à l’euthanasie de Vincent (ils se sont exprimés dans la tribune du Figaro du 18/04/2018).
Donc maintenant, je sais que Vincent était vraiment maintenu volontairement en soins palliatifs pour que le projet soit mené à terme ; alors que sa place était, comme l’expliquaient les médecins opposés à ce projet, en unité EVC-EPR, où les patients sont stimulés et divertis jusqu’à leur mort naturelle, s’accrochant à la vie pour 90% d’entre eux puisque leur choix se situe entre la mort et… leur vie. En effet, quand on n’est pas dépressif, l’instinct naturel veut qu’on s’accroche à notre vie, la seule qu’on ait. Donc on ne peut pas prétendre qu’on voudra mourir quand on sera en grande dépendance. C’est dramatique, le mal que peut faire cette vision des choses comme quoi la vie ne vaut d’être vécue que sous certaines conditions. Et quelles conditions ! La barre est haute dans la bulle de bonheur de Rachel Lambert. C’est ce regard sur la vie qui peut rendre dépressives les personnes diminuées !
On parle quand même avant tout du fait d’être vivant, donc d’être toujours sur Terre. Le contraire, c’est la disparition totale ! De quel « repos bien mérité » parle Madame Lambert ? Comment sait-elle si on peut se reposer après la mort ? A moins qu’elle ne parle du cadavre en décomposition ? Mais dans ce cas, il ne s’agit pas de repos, car le « repos bien mérité » est une récompense qui répare et dont on profite, et pour ça il faut être vivant !
Si mon mari devait se retrouver dans cet état, je lui dirais « parce que je t’aime, je t’accompagnerai, je m’occuperai de toi jusqu’à la fin de notre vie, je ferai en sorte que tu apprécies tout ce que tu peux. Je te ferai voir, entendre, sentir, toucher le maximum de belles et bonnes choses ». Quoi de plus noble et de plus grandissant que s’occuper ainsi de nos proches ? N’est-ce pas cela, Aimer ?

Il semble que le lien ne s'ouvre pas ; donc en attendant que je résolve ce problème, si vous êtes intéressé(e) par le document pdf, envoyez-moi un message svp : sophie.chartrain@orange.fr
Lien : https://uc46b0d0f71da66aab3b..
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