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Critique de AnneSophieGuillemot


« Je crois que c'est à ce moment-là que tout s'est connecté. Quand on m'a contrainte, par écrit à faire allégeance à un système qui place la moralité des bons pères de famille au centre, en niant mon vécu et celui de millions de femmes et d'enfants. » Dans cet essai percutant, Rose Lamy analyse les causes sociétales du silence assourdissant des violences intrafamiliales : pourquoi, alors que ces violences subies dans la sphère privée sont en train de devenir le premier motif d'intervention des policiers et des gendarmes, l'omerta continue de régner en France, protégeant ainsi les « bons pères de famille » au détriment des femmes et des enfants ?

Pourquoi lire En bons pères de famille ?
Les nombreuses références universitaires et les citations qui émaillent l'essai viennent parfois en perturber la lecture. Pourtant, sa construction argumentative dynamique éclairée par de nombreux exemples puisés dans les médias, nous invite à réfléchir de manière stimulante sur les rouages de ce fléau systémique, lequel s'appuie sur trois leviers principaux :

La DIVERSION : Rose Lamy montre comment la construction sociétale de mythes - le « monstre », « l'autre » - participe d'une stratégie, consciente ou non, de diversion qui empêche de combattre et condamner les vrais coupables. Son analyse lexicale minutieuse de la presse révèle la prégnance du halo mythologique qui entoure les violences intrafamiliales et contribue à entretenir une fiction de la violence : on comprend alors comment la stigmatisation de ces hommes hors-normes, aux antipodes des « bons pères de famille », à l'instar de Fourniret, Heaume, Georges, mais aussi de certains profils d'étrangers prétendument sexistes, leur assure l'apanage de la violence, tout en garantissant aux autres une certaine impunité.

La DÉCRÉDIBILISATION : L'autrice met en lumière la tendance à la décrédibilisation des discours féministes qui tentent de remettre en cause ce système dysfonctionnel, mais aussi de la parole des victimes : si l'on y réfléchit, ne seraient-elles pas en partie coupables de la violence infligée par leur conjoint ? Ne l'auraient-elles pas bien cherché ? le ton volontiers sarcastique permet de dénoncer avec efficacité la complaisance médiatique à l'égard des « bons pères de famille » qui continuent de punir celles qui auraient transgressé leurs règles.

La COHÉSION MASCULINE : Par le prisme de la question éculée mais toujours épineuse de la séparation de l'homme et de l'artiste, Rose Lamy analyse comment la peur que des grands peintres, écrivains et réalisateurs soient censurés permet d'occulter efficacement le débat sur les violences qu'ils ont pu infliger dans la sphère privée. Loin de la caricature de la féministe enragée qui chercherait à brûler toutes les opus incriminés, l'autrice s'inscrit dans le prolongement de la réflexion menée par Julie Beauzac dans son brillant et terrifiant podcast consacré à Picasso (#Vénus s'épilait-elle la chatte ? #Picasso, séparer l'homme de l'artiste). A une ère où l'idée que la culture occidentale est imprégnée de patriarcat devient un truisme, c'est bien contre le silence et le déni qui continuent de prévaloir dans le monde de l'art que s'indigne la militante ; elle démonte habilement la rhétorique fallacieuse de personnalités des mondes culturel et politique qui persistent à soutenir les hommes accusés de violences intrafamiliales pour faire prévaloir leur art. Si la violence d'un artiste est intimement liée à son art, cet aspect doit être mis en lumière !
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