AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de 5Arabella


Serge Lancel, dans l'avant-propos de son monumental d'ouvrage de plus de 600 pages, dit la difficulté d'écrire une biographie de Saint-Augustin. Parce qu'une fois sa conversion accomplie, il ne se passe plus grand-chose en terme d'événements, le parcours devient celui de l'esprit, et ce qui permet de le suivre, ce sont les écrits au combien nombreux de l'évêque d'Hippone. Dire la chronologie devient inséparable de résumer l'oeuvre, la pensée, tant Saint-Augustin s'est identifié à elles. Or cette pensée est complexe, elle a donné lieu à des interprétations, commentaires sans nombre, elle a aussi eu une influence immense dans l'église avant tout, mais pas seulement. C'est un véritable monument et la résumer tient d'une gageure. Mais Serge Lancel relève le défi d'évoquer la vie et l'oeuvre, à destination de ceux qui ne sont pas spécialistes de la patristique. le pari me semble vraiment fort réussi.

La vie d'Augustin est bien plus connue que celle de nombre de ses contemporains, justement grâce à ses nombreux écrits. Bien évidemment Les Confessions, ouvrage au combien célèbre, qui raconte son existence, ou tout au moins un certain nombre d'évènements choisis par lui, jusqu'à l'âge de 33 ans, jusqu'à la mort de sa mère, peu après sa conversion. Mais aussi de très nombreuses lettres pour évoquer les textes les plus utiles au biographe. La prose d'Augustin a eu la chance d'avoir été bien conservée, relativement peu de choses ont été perdues. Serge Lancel nous déroule l'enfance et la jeunesse, d'un garçon sans doute de suite apparu comme brillant, dont le père fait des sacrifices pour pouvoir lui permettre des études, dans lesquelles Augustin réussit fort bien. Une carrière d'enseignant s'amorce, qui le mène jusqu'au poste de maître de rhétorique à Milan, que l'on pouvait considérer comme le poste d'enseignant le plus prestigieux de l'empire à l'époque. Mais Augustin n'est pas heureux : la philosophie en tant que telle ne lui suffit pas, le manichéisme auquel il a adhéré un temps non plus (même si c'est sans doute grâce aux réseaux manichéens qu'il a obtenu son poste). le catholicisme (religion de sa mère) lui pose des questions. Il finit pas se convertir dans un fameux jardin à Milan et à abandonner sa carrière, pour rentrer chez lui en Afrique. Il y sera prêtre, puis évêque d'Hippone jusqu'à sa mort survenue à un âge avancé en 430. Pendant ses longues années au service de l'église, en plus de son office, de ses sermons, de la participations aux conciles, aux arbitrages et décisions dans les affaires de l'église et autres activités normales pour un évêque, il écrira, il commentera et essaiera de comprendre les Ecritures, élaborant progressivement une pensée théologique qui sera la plus influente dans l'église catholique jusqu'à Saint Thomas d'Aquin. Cette pensée va se construire en partie dans les controverses qu'il va soutenir : contre les manichéens, les donatistes, les païens, et enfin contre le pélagianisme.

Personnage d'exception, de par ses immenses qualités intellectuels, mais aussi par une personnalité hors du commun, Augustin a marqué son temps, et au-delà, la culture et civilisation occidentale. Evêque infatigable, voulant convertir au sens fort du terme, pas uniquement pour la forme, se démenant pour ses ouailles, militant pour une forme de clémence des autorités, y compris pour ses opposants, mettant en cause régulièrement sa capacité à comprendre la parole divine et posant la possibilité d'une autre interprétation, il est en même temps un adversaire féroce, tout au moins intellectuellement, pour les non-chrétiens puis ceux qui vont devenir des hérétiques. Sa grande puissance de pensée laisse peu de chances à ses opposants, d'autant qu'il ne lâche rien.

Au-delà de la figure de Saint Augustin, Serge Lancel brosse le tableau de l'époque et de son évolution. le monde dans lequel est né Augustin était encore en majorité païen, d'autres religions que le christianisme avaient de nombreux adeptes, comme le manichéisme auquel il a adhéré un temps. A la fin de sa vie, la paganisme était interdit, l'écart entre les églises orientales et latines se creusait, et un certain nombres de croyants étaient rejetés comme hérétiques : d'une certaine façon le christianisme avait vaincu. Par ailleurs, l'empire romain d'occident vivaient ses dernières décennies ; le monde relativement stable et sûr se fissurait, la prise de Rome en 410 et le siège d'Hippone pendant lequel est mort le vieil évêque en 430 étant plus que les signes avant coureurs, les étapes d'une désagrégation, qui prendra fin officiellement en 476, mais les années à courir étaient plus des soubresauts d'agonie qu'une période de rémission.

Clair, passionnant, d'une grande richesse, un livre à recommander à ceux qui s'intéressent aux sujets évoqués.
Commenter  J’apprécie          209



Ont apprécié cette critique (20)voir plus




{* *}