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Critique de RogerRaynal


Dans la peau raconte l'histoire d'une passion amoureuse au coeur d'un triangle du même nom. Mais les noms, ici, sont de peu d'importance. Celle qui parle, qui aime, qui souffre, c'est celle qui a le mauvais rôle, c'est la maitresse de cet homme qui a su lui inspirer un amour inconditionnel.
Maitresse, c'est beaucoup dire, car elle ne maitrise rien, ni cet homme trop souvent absent, ni la tornade des sentiments qui l'ont emportée, transformée, construite et mise en pièces. Au fil des chapitres, par touches pointillistes, nous reconstituons cette histoire criante de sincérité, de vérité aussi. Car ce livre est un cri, un appel, une supplique à cet homme enfuit. le lecteur, indiscret, découvre cet amour intense, magnifiquement exprimé, sublimé par une langue superbe.
On aurait pu croire à une histoire convenue. Un mari volage quitte sa maitresse qui ne s'en remet pas. Ce serait si simple, si banal. Mais rien, ici, n'est banal. Karine Langlois nous offre une plongée hallucinante au coeur des sentiments d'une femme amoureuse, et ces tourments, ces souvenirs des plaisirs enfuis, toute cette douleur de l'absence, enfin, nous prennent, nous étreignent, nous touchent, nous émeuvent. Parce que ces sentiments, nous les avons fréquentés, désirés, connus ou, simplement, nous avons senti leur morsure. Rien n'est vraiment nouveau, mais pourtant tout est nouveauté. Non novis sed nove.

Traitez-moi donc d'incorrigible romantique (c'est peut-être vrai), accusez-moi d'être assez bête pour ne pas avoir perdu mes illusions peut-être, mais jamais je n'avais été confronté à une telle maitrise littéraire au service d'un amour féminin aussi fort, aussi grand. Peut-être suis-je naïf, mais je n'aurais pas cru que l'on pouvait autant aimer un homme.

On pouvait craindre, tant d'auteurs connus, voire reconnus, tombent dans ce travers, un érotisme poisseux, une vulgarité gratuite bien faite pour titiller le bas ventre du lecteur ; mais il n'en est rien, bien au contraire : si les étreintes font partie de la magie de cet attachement qui deviendra déchirure, jamais une once de vulgarité ne vient entacher cette histoire. Des mots crus ? Fort rares, et encore, bien moins que ceux que vous pourriez entendre dans la moindre cour de récréation. On est loin, très loin de la littérature érotique. On est dans la littérature tout court, et de bien belle façon.

Dans la peau est un long cri d'amour, que l'on écoute, que l'on détaille, comme une lettre galante arrivée par la poste au mauvais destinataire, au locataire enfui et que l'on ne peut s'empêcher de parcourir. C'est l'histoire d'une blessure qui ne se referme pas, qui ne veut pas se refermer, car sa cicatrisation signalerait l'irréalité du souvenir. le seul exorcisme à cette possession, c'est la puissance d'une magnifique écriture. J'insiste sur ce point, car dès la phrase de dédicace (« parce que me souvenir est mon avenir »), on sait où l'on va.

En lisant Karine Langlois, je me suis rappelé les titres des mes romans japonais préférés : un amour insensé, une soif d'amour, la confession impudique, l'école de la chair, tristesse et beauté… tous résonnaient d'une façon nouvelle.
Dans la peau est un mince roman qui pourtant ne se lit pas d'une traite. Il est addictif et discret, impérieux et délicieux, comme une gourmandise que l'on ne peut que déguster par petites bouchées, de crainte de ne pas suffisamment l'apprécier.
Au final, une magnifique histoire d'amour, dans laquelle bien des femmes se reconnaitront, et que beaucoup d'hommes devraient lire, si seulement ils étaient raisonnables… et parfois courageux.
Quant à celui auquel s'adresse ce message, chut, refermons la porte de la chambre à coucher un instant entrouverte, et souhaitons, comme le faisait Kipling, que cela soit une autre histoire.
Au terme de cette lecture, j'oserai espérer que, comme moi, vous n'aurez qu'un seul regret : celui qu'il faille souffrir autant pour l'écrire si bien.
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