Soma n'est pas rentrée. Son dîner s'éternise. Je remonte sur la route surveiller à nouveau la maison des Jessen.Toujourd nulle trace de vie,et une obscurité totale. Le quartier entier est plongé dans le noir.Je marche le long de leur clôture ,inspecte leur jardin par les trous de la haie.J'ai si chaud qu'il me semble avoir de la fièvre. Il est plus de minuit et la température n'est pas encore tombée. Debout sur la terrasse,le vent me cinglé le visage et me tient en éveil. Je ne dois pas dormir avant le retour de Soma.
L'un des jumeaux est mort mais l'autre est toujours là, en vie,comme un fils de rechange.Cette pensée m'est venue immédiatement après l'annonce de l'accident.Deux heures avant,un orage sec illuminait le ciel,rendant la nuit plus claire que le jour achevé.
Le lac est un grand cercle cerné par une forêt aux proportions parfaites.À l'ouest ,sur la rive opposée, la pointe de l'antenne jaillit d'entre les arbres et projette son ombre à la surface du lac,une ligne semblable à une cicatrice ,à la marque d'un pli coupant en son milieu une feuille de papier.Un instant,ce paysage m'évoque une planche du test de Rorschach. Ne manque que le reflet de la maison de Liz, pensé-je, balayant du regard le versant où nous vivions.Ne manquent que Sam et que Soma. Et un peu de lumière pour retrouver mon chemin. Car la nuit est tombée .Car le lac désormais ressemble à une tache d'encre.Le lac et la forêt. Une tache d'encre indélébile.
Jessen et moi, tels deux spectres, continuons d'observer les ombres de nos enfants à l'orée de la forêt, de longues secondes, de longues minutes, un temps inestimable. Ce n'est que lorsque la lumière dans les bois disparaît, et avec elle Sam et Oscar, que nous mettons un terme à notre surveillance.
Tu sais, reprend-elle, celui qui se protège en permanence est comme anesthésié. Il est protégé de la douleur, mais il ne ressent plus rien. Je préfère avoir mal et ressentir les choses.