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Critique de Presence


La famille Pratt est propriétaire d'un ranch pratiquant l'élevage de chevaux avec une bonne réputation. Il y a Joe (le père), la mère, et leurs 10 enfants (Adaline, Emily, Joseph l'ainé, Matthew, Eli, Kayleen, Hannah, John, Paul et Merrily). Alors que l'histoire commence, Adaline a décidé de tuer son père car ce dernier abuse sexuellement d'Emily (l'une des soeurs d'Adaline). L'entretien ne se passe pas comme elle l'avait prévu, et avant qu'elle ne puisse échafauder un autre plan le ranch subit l'assaut d'une horde de Crossed (des zombies d'une espère vicieuse et semi-intelligente). Joe (le père) organise les hommes pour qu'ils contiennent la horde, le temps que les femmes organisent l'évacuation. Quatre membres de la famille Pratt trouve la mort lors de cet assaut, ainsi que plusieurs employés du ranch. Après une période de fuite ardue, la troupe réussit à semer les Crossed, et s'installe dans un lieu au calme, dans un lieu naturel à l'écart. Cette petite communauté essaye de recréer une vie en société sédentaire, tout en envoyant régulièrement des éclaireurs (dont Adaline, redoutable tireuse) observer les Crossed pour apprendre leurs faiblesses et leur mode de vie. La pérennité de la communauté semble assurée, grâce à Joe, un meneur né.

Dans le premier tome Crossed 1, Garth Ennis avait créé une race de zombies particulièrement vicieux. Ils se distinguent facilement parce que la peau de leur visage est marquée d'une éruption cutanée en forme de croix, et en plus ils ne se contentent pas de manger de la chair fraîche (ou avariée) et de la matière cervicale, ils ont également un comportement dépravé et barbare, repoussant les limites de l'inhumanité. Garth Ennis est resté propriétaire des droits du concept Crossed, et il a laissé la possibilité à d'autres créateurs de l'utiliser. David Lapham a pris sa suite pour ce tome, un épisode en 3D (Crossed 3D), et d'autres encore d'autres épisodes (Psychopath). Cette série est à réserver à des lecteurs très avertis car elle donne dans le gore, le crade, et l'abject.

David Lapham (scénario) et Javier Barreno proposent un récit qui respecte à la lettre les fondations creusées par Garth Ennis, en même plus gore et plus immonde. Les zombies se repaissent de chair fraîche sur l'os et perpétuent des actes de barbarie graphiques. On peut même dire que Barreno augmente la dose : nudité frontale, copulation forcée entre Crossed et humain, ou entre 2 Crossed, de la tripaille, du sang, des coups de feu tirés à bout portant, de la matière cervicale qui gicle. Ce récit n'est pas seulement à déconseiller aux âmes sensibles, mais aussi aux lecteurs qui n'ont pas de goût pour ce genre de récit. le style de Barreno est professionnel, sans beaucoup de détails ou de réalisme photographique. Mais il ne se vautre pas non plus dans l'exagération outrancière. Il y a ici et là un ou deux détails qui font froncer les sourcils, tels que l'anatomie des chevaux un peu fantaisiste. Mais d'une manière générale, c'est la retenue de Barreno qui rajoute à l'horreur. Les êtres humains sont d'une constitution normale (pas de fantasmes sur les silhouettes féminines par exemple), avec des visages différenciés suivant les individus, mais sans beaucoup de particularités. le contraste avec les Crossed n'en est que plus frappant car ils ont un langage corporel obscène et exagéré, et des particularités physiques exagérées comme la poitrine d'une des femmes zombies. Les illustrations de Barreno ne permettent pas aux lecteurs de se complaire dans un voyeurisme malsain, mais provoquent à plusieurs reprises un sentiment de recul devant l'horreur de ce qui est décrit, rendant le lecteur presque complice de ces actes odieux par le simple fait de les regarder.

Le récit de David Lapham provoque également un malaise tenace chez le lecteur. Dès le début il montre que les actes barbares existent également chez les humains. Lapham met en scène l'ambiguïté de la volonté de survie des rescapés du massacre initiale. le prix à payer n'est plus seulement celui de sacrifier ses qualités d'être humain pour survivre un jour de plus, mais aussi celui de devoir se raccrocher à un criminel abject comme Joe qui a violé sa fille de manière régulière. Lapham respecte les codes des histoires de zombies, avec la petite communauté devant s'organiser coute que coute pour faire face aux zombies, avec les éviscérations, avec les repas de chair fraîche. Il crée également une communauté peuplée d'individus ayant aussi bien des comportements individuels que collectifs. Il use savamment des agissements répugnants de Joe Pratt qui ne sont connus que de 2 ou 3. Il prouve à plusieurs reprises qu'il est capable de concevoir des scènes horribles et traumatisantes qui marquent l'esprit, pour les sévices infligés aux humains par les Crossed, ou même entre eux. Il sait provoquer de l'empathie pour ses personnages, à commencer par les femmes (Adaline en particulier, mais elle n'est pas la seule). Il conçoit des affrontements entre les membres de la famille des Pratt (certains humains, d'autres Crossed) qui prennent un sens psychologique (par exemple entre les fils et la mère).

Ce tome 2 des Crossed s'avère supérieur au premier, à la fois sur le plan de l'histoire, et sur celui des illustrations. Il est plus graphique dans ces horreurs, et plus traumatisant dans ces situations. Lapham et Barreno ne se contentent pas d'aligner les scènes de cannibalisme et de tortures, ils invitent le lecteur au sein d'une petite communauté d'individus pas tous reluisants, avec des conflits complexes, rendus encore plus compliqués par la pulsion de survie.
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