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Critique de AugustineBarthelemy


Stray Bullets, c'est un recueil de quatorze histoires aux temporalités différentes qui s'imbriquent petit à petit pour former une unité. C'est l'histoire de pauvres types, de petits caïds qui essaient de se tailler la part du lion dans un monde de brutes, un univers particulièrement sordide et malsain, où la bêtise crasse est reine, et qui rappelle, par sa violence -parfois- gratuite et ses personnages excentriques et cintrés, un film de Quentin Tarantino. du coup, si vous n'aimez pas ce réalisateur, fuyez.

La première des histoires qui ouvre ce roman graphique noir et désespéré nous met face à deux hommes qui circulent à deux heures du matin sur une route déserte. Soudain, un pneu crève. Frank, le plus âgé, sort tandis que Joey se dirige nerveusement vers le coffre. Dans le coffre de leur voiture, un cadavre. Les deux sont des hommes de main. Et plane, dans leurs conversations, l'ombre d'Harry, un malfrat que l'on devine redoutable et qui traversera l'ensemble du recueil sans jamais se montrer ailleurs que dans les paroles de nos différents personnages. le cadavre, on le comprend, est celui de l'ex petite amie qu'Harry a « offert » à Joey avant d'ordonner son assassinat. Depuis, Joey, au regard halluciné, est tombé amoureux de celle qui l'a dépucelé. Et il se montre prêt à tout pour protéger son corps et sa mémoire, jusqu'à descendre tous les chalands d'une station-service et empiler leurs corps dans le coffre de la voiture surchargée. Une obsession malsaine qui le mènera même à buter son seul ami, Frank, qui se moquait de lui.

David Lapahm livre un regard cru sur l'espèce humaine à travers une galerie de personnages hétéroclites, mais qui sont tous unis sous le signe de la malchance. Tout, absolument tout, ce qui est susceptible de mal tourner tournera mal, illustrant ainsi parfaitement la terrible loi de Murphy. Dans un puzzle narratif mené tambour battant, on retrouvera tour à tour une jeune fille mal-aimée par une mère jalouse et sous antidépresseur, choyée par un père qui meurt dans d'atroces souffrances, qui assiste à un meurtre et multiplie les comportements violents et les fugues ; la redoutable Amy Bolide, braqueuse de banque, serial killeuse et mercenaire, qui multiplie les amants et les mariages, menteuse comme une arracheuse de dents ; Orson, un étudiant tout propre sur lui, couvé amoureusement par sa mère, qui se laisse séduire par une demi-pute qui lui organise une fête de diplôme inoubliable qui le mènera à vivre dans une ville perdue en plein milieu du désert (dont le maire est persuadé qu'elle sera bientôt bordée par la mer suite à la disparition de la Californie dans un cataclysme cosmique), en compagnie de deux femmes, dont l'une complètement ravagée par les drogues ; deux amies, Nina et Beth, portées sur les fêtes, le sexe et la dope, dont l'une est acoquinée à un gangster jaloux mais qui finit par tomber amoureuse d'un de ses hommes de main. le lien qui les unit apparaîtra petit à petit au lecteur, qui assiste, entre jubilation et impuissance, au petit spectacle misérable d'une humanité gangrenée par ses vices, qui n'a d'autres choix que de faire systématiquement le plus mauvais pour eux et leur entourage. Ne cherchez ni rédemption ni morale dans ces récits : il n'y a ni innocent ni coupable dans ces histoires, simplement un destin implacable qui les rattrape et qui les broie, le plus violemment possible qui plus est.

Graphiquement parlant, le noir et blanc offre une atmosphère sinistre à souhait. David Lapham unit des chapitres qui se déroulent pourtant à des milliers de kilomètres les uns des autres en créant une harmonie entre les différents décors dans lesquels évoluent ses personnages : appartement insalubre, voitures déglinguées, lieux isolés et miteux, voilà les décors dans lesquels nos protagonistes se retrouveront. le cadrage est resserré et dynamique, les gros plans sur les visages sont expressifs et mettent parfois mal à l'aise par leur réalisme dérangeant, qui aura un sourire sadique et froid, un regard de désespéré, une expression d'effroi ou un baiser passionné.

Brutal, violent, excessif, Stray bullets est le roman noir par excellence. David Lapham crée un labyrinthe narratif peuplé de personnages dégénérés, malsains, hypocrites ou loosers flamboyants qui se débattent dans un univers glauque dans lequel tous les mécanismes, même ceux relevant du hasard pur et simple, semblent être mis en place pour mener vers le pire. de temps en temps, dans cette lie de l'humanité, surgit comme par accident un chic type ou une jeune fille innocente. Monde cruel oblige, le lecteur assistera à la dissolution de ces êtres, pris en étau entre femmes perverses et tueurs enfoirés. Entre réalisme cru et psychédélisme halluciné, les chapitres se succèdent à un rythme soutenu, tenant son lecteur en haleine malgré les 460 pages de ce recueil.
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