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Critique de AgatheDumaurier


J'aime les récits qui se passent en Inde.
Ce texte n'est pas vraiment un "roman", mais plutôt une sorte -si l'on en croit l'auteur- de témoignage, un florilège de témoignages tournant autour de Calcutta, et, dans Calcutta, de la "cité de la joie", un "slum", un bidonville terrifiant.
On suit d'abord en parallèle le prêtre français Paul Lambert, à la mentalité étrangement médiévale, venu, non véritablement dans un but "humanitaire", mais pour être "un pauvre parmi les pauvres", pour partager leur souffrance dans le Christ, et une famille de paysans bengali ruinée, les Pal, échoués sur les trottoirs de "la ville inhumaine" pour ne pas mourir de faim à la campagne. Puis s'ajoute divers personnages, des habitants du bidonville, et un jeune et richissime médecin américain attiré par l'expérience.
Il y a, évidemment, d'abord, une leçon de morale un peu énervante pour nous, les Occidentaux gavés de nourriture, de confort (électricité, médicaments, eau courante, climat tempéré...) qui nous invite à cesser de nous plaindre (point de vue chrétien) ou au contraire à nous féliciter de l'excellence de nos vies antérieures pour avoir mérité notre réincarnation dans un monde si douillet (point de vue hindou). (Je dis cela à cause de l'omniprésence de la religion dans ce livre, assez rare dans un texte français contemporain)
Mais il y a aussi une description fantastique de la ville, qui, comme Bombay dans Shantaram, finit par prendre toute la place. Cet immense organisme vivant de dix millions d'êtres humains devient rapidement le personnage principal. L'horreur ne cesse de côtoyer la beauté. Horreur physique du délabrement des bâtiments, des corps de lépreux, des morts de la tuberculose, du choléra, de la typhoïde, et beauté des fêtes, des maquillages, des saris, des fleurs dans les cheveux des femmes, des sourires quasi permanents auxquels on a du mal à croire. Horreur morale des mafieux, des racketteurs des plus pauvres, des enfants esclaves, malnutris, vendus, de cette femme que l'on laisse se vider de son sang après lui avoir arraché son foetus de sept mois, qu'elle vendait pour nourrir ses autres enfants, horreur des trafics d'organes, du sang des pauvres qu'on achète, et même une hypothèque sur leurs cadavres appelés à fournir les hôpitaux du monde entier...et puis beauté de cette solidarité des pauvres entre eux, qui partagent tout, qui s'inquiètent de leurs voisins, qui recueillent les orphelins, et surtout, qui, malgré tout, continuent à vivre -et non pas à survivre comme des organismes privés de raison-à danser, à chanter, à faire la fête, à aimer.
Attention cependant aux esprits cyniques, certaines réflexions réitérées comme "vous êtes la lumière du monde" risquent de les irriter.

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