La voie du silence : Dans la tradition des Pères du désert

Comme l’enseigne saint Jean Chrysostome, cité par les saints Calliste et Ignace Xanthopouli dans leur ouvrage philocalique :
« Celui qui invoque constamment de tout son cœur le Nom du Seigneur Jésus, le cœur absorbera Jésus, et Jésus absorbera le cœur et les deux deviendront un. (…)
Cela n’est pas l’œuvre d’un jour ou deux.
Il faut beaucoup et longtemps combattre pour que l’ennemi soit rejeté et que le Christ habite en nous. »
Remarquons simplement dans la conclusion que nous livrent ces deux Pères, que l’expulsion de l’Adversaire par l’invocation du Nom est longue et laborieuse.
Le silence des pensées, préalable indispensable à la voie du silence, est un combat spirituel qui n’est jamais gagné car il dure jusqu’à la fin.
Mais il arrive que dans des instants bénis, la grâce vienne gratuitement sur celui qui prie avec constance, pour lui accorder sans effort ce qu’il cherchait et qu’il soit, comme Paul, ravi jusqu’au septième Ciel.
(Page 188)

La chair ressuscitée n’obéit désormais plus aux lois de la création que nous connaissons.
Elle célèbre en elle-même par la grâce de la Résurrection le mystère de son unité recouvrée avec l’Esprit.
La Résurrection remplit dans la chair la séparation qui existait dans la nature déchue entre l’être et l’acte.
Le Christ est le Crucifié et le Ressuscité.
La chair ressuscitée est l’icône parfaite de l’être du Christ.
(Page 172)

« Bienheureux ceux qui croiront sans voir », la dernière béatitude révélée à Thomas, qui voulait croire par ses seuls sens, a cette signification que, désormais, la contemplation du Christ ressuscité ne s’opérera que dans l’obscurité de la ténébreuse divine, dans l’inconnaissable dont Dieu s’entoure, et non par les sens humains, fussent-ils les plus élaborés.
L’homme nouveau que nous montre le Christ ressuscité est un homme de révélation et non de substance.
(Page 177)

C’est là toute la signification de la parole géniale de saint Grégoire le Grand que nous citions plus haut : « Celui qui ne s’oublie pas lui-même ne saurait approcher Celui qui est au-dessus de lui ; s’il ne sait point d’abord immoler ce qu’il est, il ne peut devenir ce qu’il n’est pas. »
(Page 97)

Ainsi, quitter son vieux vêtement en se dépouillant du vieil homme et de ses convoitises pour revêtir l’homme nouveau selon Dieu nous conduit beaucoup plus loin que le simple et légitime abandon du vêtement du péché.
C’est que chaque définition de soi porte en elle, même à travers des œuvres justes, le risque de l’édification et de la vénération de sa propre idole.
Seul le silence absolu sur soi qu’atteint par son extrême humilité le fils prodigue constitue la réponse adéquate.
(Page 142)

L’homme de l’Esprit chemine vers son hypostase que Dieu lui révèle progressivement en l’engendrant au fur et à mesure que celui-ci, dans le mystère de la synergie, se dépouille non seulement de ses péchés mais de tout ce qui en lui communie avec le monde.
Si cet homme dit à n’importe quel moment de son existence : « Je suis », il arrête en lui l’engendrement de l’Esprit.
Il devient un mort du point de vue de la vie de l’Esprit qui est toujours un renouvellement permanent de l’être.
(Page 97)

La naissance d’en haut, naissance de l’Esprit, fait qu’un homme né de la chair, c’est-à-dire tout être humain, s’il désire entrer dans le Royaume de Dieu, doit renaître de l’eau et de l’Esprit, dans l’Esprit pour devenir un homme né de l’Esprit.
Mais ce sont toutes les implications d’un tel programme qui font que cet enseignement est resté marginal pour la majorité des chrétiens, alors que pour le Christ il est primordial.
(Page 46)

« Perdre son âme », selon tous ces Pères, c’est renoncer à son identité en ce monde pour revêtir l’identité nouvelle de l’Esprit en se soumettant à son engendrement.
(Page 57)

Dieu est au-delà de tout, en dehors de tout, il échappe à toute investigation de ses créatures.
Seul Dieu connaît parfaitement Dieu « Personne ne connaît les choses de Dieu sinon l’Esprit de Dieu. » (1 Co, 2, 11)
(Page 31)

Seul Dieu révèle Dieu. Dieu se révèle à ceux qu’ils déifie car il n’existe pas de contemplation sans déification.
(Page 35)