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Critique de Apoapo


L'ingénieur Sijilmassi, cadre dynamique et professionnellement adepte des vols supersoniques, décide de s'arrêter, de retrouver la célérité du mulet allant au souk, autrement dit l'allure et la stature de son hadji de grand-père.

Je pensais d'abord que ce roman planait sur la vague de cette mode (qui n'est pas principalement littéraire) subtilement persistante du désir de lenteur dans nos société occidentales, par le biais d'une nouvelle vie éventuellement plus traditionnelle et décroissante. Et j'en étais quitte. D'ailleurs le style de l'auteur et son attention aux différentes facettes de la littérature migrante m'auraient motivé à eux seuls.
J'ai eu droit à un cadeau supplémentaire autrement plus précieux.
Car le héros, croyant d'abord devoir remettre en question, avec son mode de vie moderne, toute son occidentalisation intellectuelle (questionnement permanent dans les débats orientaux sur l'occidentalisation, depuis le XIXe s.), à commencer par son imprégnation dans les Lumières, "oublier Voltaire", se retrouve engouffré dans une machination politique qui n'est pas sans rappeler les mouvements de contestation de certains régimes politiques arabes, les "printemps arabes", tels qu'ils ont éclaté ou ne l'ont pas fait, cas du Maroc, pays d'origine de l'auteur et cadre du roman. Ces machiavélismes entre État établi avec sa corruption et mouvements néo-islamistes apparaissent donc en parallèle avec une recherche de retour aux sources qui passe par une très opportune relecture des philosophes de l'âge des Lumières de l'islam (ou faut-il l'appeler l'âge d'or ?), l'époque d'Averroès et de Cordoue, références qui semblent actuellement pis qu'inconnues, illisibles, indéchiffrables dans les débats intra-musulmans...
Si le panache et le brio de la plume de Laroui n'étaient pas là, ces avatars du personnage auraient couru le risque de tomber justement soit dans la superficialité de l'actualité, soit à l'inverse dans la pédanterie didactique des débats théologico-philosophiques ; les deux dangers écartés avec beaucoup d'humour et de légèreté stylistique, il reste donc une précieuse analyse des interrogations contemporaines de et sur l'islam et la tectonique du monde arabo-musulman, menée depuis la perspective de pont interculturel si explicitement revendiquée par les personnages de Laroui ainsi que par lui-même dans ses oeuvres non fictionnelles.
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