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Critique de Marcuyttendaele


Un beau roman, bref, percutant, subtil. Fatima a l'apparence de la jeune femme musulmane engoncée dans les préceptes durs de sa religion. Elle vit à Molenbeek, dans un monde où la religion est cardinale, où les femmes sont voilées, abolies, niées dans leur féminité, où les femmes mêmes invisibles sont surveillées et reluquées par des hommes au cerveau rétréci par le fondamentalisme. Mais une fois franchie la Porte de Flandre, elle se libère, pousse jusqu'à l'extrême la liberté de la femme sur son corps, sur ses actes. Exorcisme excessif, grand écart absolu entre deux mondes et deux cultures. Elle doit passer d'un extrême à l'autre pour trouver le milieu d'elle-même et y tracer sa voie singulière. Dissociation complète et éclatement d'un être en quête d'unité et d'harmonie intime. Et elle est suivie par Fawzi, homme sans beaucoup d'intérêt, engoncé dans sa culture archaïque, pas même religieux et qui se voit épouser Fatima en la confinant, dans une vie traditionnelle, en lui confisquant toute aspiration à la liberté et à l'égalité. Il la suit, la voit, devient fou et perpètre un meurtre qu'il ne peut signer que d'un Allah Akbar. Seule signature possible, signature de désarroi, signature réflexe qui d'emblée est comprise, analysée, vantée comme un acte terroriste. Parce que nul n'essaye même de comprendre le malentendu. Mieux, cela nourrit les thèses des uns et des autres, des intellectuels professionnels qui sont parfois là plus pour étiqueter que pour comprendre. Une fois son père mort, sa mère revenue au pays, Fatima ferme la porte lourde de sa maison de Molenbeek et s'en va vers sa vie, sa vraie vie, celle d'une femme libre. Fouad LAROUI délivre un message fort, rassérénant. Un message à contre-courant d'une religiosité de plus en plus oppressante. Il signe aussi l'échec de cette cohabitation entre deux mondes qui ne connaissent pas, qui ne se comprennent pas, qui ne s'aiment pas, qui ont tout pour s'opposer. La Porte de Flandre comme symbole absolu du point de passage, entre une forme d'ombre et une possibilité de lumière. Mais une lumière qui n'est pas forcément réjouissante, où la femme peut être aussi objet, un objet pour d'autres jeux mais toujours l'objet de toutes les frustrations masculines. Sans le dire explicitement, Fouad Laroui dénonce tout à la fois l'insupportable fondamentalisme et une forme d'aveuglement occidental… Rêver d'une troisième voie, d'une voie vers la liberté et l'égalité qui est celle qui s'offre à Fatima. Elle ne reviendra jamais à Molenbeek mais elle n'oubliera jamais d'où elle vient.
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