Dans un restaurant un homme attend. En lui deux voix s’opposent, celle du Pour et celle du Contre.
Pour — Être ici, quel bonheur ! Je l’aime…
Elle va venir. Et en attendant, je peux penser à elle.
Contre — Tu tiens à te monter la tête ?
P — Mais… je ne suis venu en avance que pour penser à elle, à son visage… ses yeux… son cou… ses mains… ce que j’ai aperçu d’elle.
C — Vaudrait mieux penser à rien !
P— Pas facile ! C’est drôle, ça, qu’on ne puisse pas s’empêcher de penser à quelque chose. À quoi ça sert de penser ?
C — Ça, c’est une question !
P — Ça, ce n’est pas une réponse !
C — Penser… ça sert à… s’accrocher !
P — À s’accrocher… ?
C — Oui, à s’accrocher à ce qu’on pense.
P — Comme si on se faisait la courte échelle tout seul ?
C — Un peu. Penser, c’est se soutenir soi-même.
P — Penser à elle voudrait me soutenir quoi ?
C — Que tu l’aimes, qu’elle va venir. Parce que tu en doutes.
Evidemment que je sais comme toi que l'amour est un trompe l’œil, mais 'est un trompe l’œil à ménager parce que c'est une source d'énergie et de bonheur.
Reconnais que tu ne t'intéresse pas à ce qu'elle attend. Tu espère seulement que c'est toi qu'elle attend, sans te demander ce qu'elle attend de toi.
C- Mets toi à sa place, elle doit penser qu'elle attend. Mais comme toi, elle ne saura ce qu'elle attend que quand elle sera déçue.
Au lieu de te réjouir que cette femme inconnue vienne t'apporter tout ce qu'elle est, avec la somme des richesses que tu ignores de son monde à elle, tu veux simplement qu'elle soit comme tu l'imagines, vite fait.
C- Tu n'as rencontré que ce que tu as pensé d'elle. Tes souvenirs, c'est des images d’Épinal stockées en toi.