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Critique de AugustineBarthelemy


Mettant de côté Erica Falck et Patrik Hedström et la célèbre et authentique bourgade de Fjällbacka où il ne fait pas bon vivre au vu du nombre de morts qui l'ont frappée, Camilla Läckberg revient avec une nouvelle héroïne, aussi différente que possible de l'ancienne, surfant sur la vague féministe engendrée par le mouvement #metoo, et bien décidée à mettre en avant une femme forte, se relevant des épreuves et des coups tordus des hommes. Alors, pari réussi ?

Faye est une femme au foyer qui a tout pour être comblée, un mari parfait, une petite fille adorable, un appartement dans un des quartiers huppés de la capitale suédoise. Elle est fière de sa réussite, elle, la campagnarde partie de rien, au lourd passé, et qui a su intégrer une grande école d'économie, Sup de co, où elle a rencontré Jack. Elle était une étudiante brillante. Oh ! bien sûr, elle a arrêté ses études en plein milieu, mais c'était pour aider Jack et son ami Henrik à créer leur entreprise, Compare. Et depuis, Compare a connu un succès fulgurant, sur une base de démarchage agressif, s'est diversifiée et domine bon nombre de domaines. À chaque fois, elle était derrière. Elle a monté les stratégies, les statuts, les business plans, elle a porté à bout de bras le projet de Jack, l'a réconforté et consolé quand il pensait abandonner. Son accomplissement est total. Elle ne travaille plus, Jack refuse qu'elle fasse autre chose que de s'occuper de sa fille et de son intérieur. La place de la femme est au foyer, il est bien assez riche pour subvenir aux besoins de sa famille. Sa mission, désormais, est d'entretenir des relations cordiales avec d'autres femmes au foyer aux maris influents. Entretenir son entregent et asseoir la position sociale de sa famille en se montrant aux bonnes adresses, voilà sa tâche.

Et Faye s'y plie pour le bonheur de Jack, elle est prête à tout pour cet homme qu'elle aime à la folie. Mais elle s'ennuie. On finit toujours par se lasser, même si on vit au milieu des marques les plus prestigieuses et dans le confort le plus total. Et puis, elle le voit bien, elle vieillit. Elle n'a plus la silhouette de sa jeunesse. Sa grossesse lui a laissé plusieurs kilos qu'elle n'arrive pas à perdre. le regard des autres femmes, plus jeunes, plus fermes, aux seins parfaits, lui font bien sentir qu'elle se laisse aller. Et l'irritation quasi-permanente de Jack quand il rentre chez lui lui prouve qu'elle est complétement à la ramasse, elle ne sait même plus comment s'occuper de son foyer pour satisfaire son mari.

Faye est aveuglée. Sa meilleure amie, Chris, essaie bien de la faire sortir de sa torpeur, de lui rappeler quelle femme brillante elle a été et est toujours. Mais c'est bien grâce à Jack lui-même que Faye va enfin se retrouver. C'est le coup classique de la femme qui rentre trop tôt de son voyage. Dans sa chambre, elle surprend son mari entre les jambes de sa jeune directrice financière Ylva. Elle s'effondre à genoux, supplie, tandis que Jack, nu mais drapé dans sa superbe, la répudie devant les yeux amusés et orgueilleux d'Ylva, maîtresse satisfaite qui contemple la scène avec un certain dégoût pour la serpillière qu'est devenue Faye. Cependant, le point d'orgue de l'humiliation sera atteint quand Jack ne lui laissera aucune ressource, alors qu'elle a participé activement au succès de Compare. Alors Faye se réveille, elle a de nouveau un but : se venger et humilier Jack.

La Cage dorée est un récit très bien structuré et rythmé. Comme pour ses précédents opus, le lecteur oscille entre deux timelines : le présent de Faye et son passé, dans lequel on apprend son historique familial brutal et où l'on suit son arrivée à Stockholm, les espoirs qu'elle y fonde une nouvelle vie, sa détermination à protéger son passé et à se construire un avenir brillant. On y découvre ainsi une jeune femme ambitieuse prête à tout, même au pire, pour se faire une place dans la société. Un portrait qui diffère bien de celui de la gentille femme au foyer effacée et superficielle qu'elle est au début du roman. Ce qui créer un suspens habile en laissant entrevoir le pire quant à la vengeance qu'elle ourdit contre Jack.

Si j'ai aimé suivre Faye dans son évolution et découvrir un personnage au caractère bien affirmé qui dévoile sa puissance et sa force au fil de pages, et qui ne s'encombre ni de la morale ni de l'éthique pour parvenir à ses fins, je déplore cependant une tendance à la caricature. Les femmes sont représentées unilatéralement comme des victimes : les « entretenues » qui acceptent, contre le confort, de fermer les yeux sur les adultères de leurs maris, et qui n'ont qu'une obsession, celle de rester jeune pour être un parfait faire-valoir que l'homme exhibera fièrement, pour éviter un divorce qui les mettrait sur la paille, les « entrepreneuses » qui, du fait de leur réussite sociale, font peur aux hommes et qui ont donc du mal à en garder un, ou qui finiront trompées comme n'importe quelles autres femmes. Les femmes sont aussi victimes de leur féminité, à l'instar de Chris, soutien sans faille de Faye, chef d'entreprise charismatique, délurée, mais qui finira terrassée par… . Être une femme semble être un long chemin de croix, émancipée ou non. Les hommes sont, eux, détestables (sauf un). Brutaux, pervers, volages, manipulateurs, vils, ils sont tous absolument méprisables. Jack en est le parfait exemple, cumulant tous les défauts cités précédemment. C'est un personnage qui est fait pour être détesté, et ça fonctionne, j'ai adoré le détester ! Mais une impression de trop pèse un peu sur l'estomac. À mon sens, la dernière découverte que Faye fait sur son mari, rajoute de l'abjection sur l'ignoble et était superflue.

La Cage dorée est un roman jubilatoire, même si assez excessif et caricatural parfois. le rythme est aussi implacable et haletant que le sera la vengeance de Faye (même si les premières pages, qui font plus penser à un encart publicitaire pour marques de luxe qu'à un incipit, m'ont un peu effrayée et agacée au départ).

Faye cristallise autour d'elle des siècles de domination masculine, la femme faible, soumise au bon vouloir de son époux, sans ressource financière, la femme qui doit être mère, mais rester aussi la jeune fille qui continuera à exciter son mari au risque de le voir partir avec une autre. Résignation et abnégation semblent être le quotidien des femmes, qui plient mais ne rompent pas sous les humiliations. Car Faye représente aussi la féminité triomphante, celle qui a su repartir à la conquête de soi-même, la femme émancipée, puissante, qui a su s'appuyer sur les humiliations passées pour se (re)construire. Une self made woman qui assume sa réussite et n'hésite pas à l'imposer.

Aparté

J'ai lu plusieurs commentaires et avis sur La Cage dorée, et je suis mi-amusée mi-outrée de voir certain-e-s se plaindre ou déplorer les scènes du sexe, jugées trop crues et inutiles. Une question me titille, sont-elles inacceptables car elles choquent votre pudeur ou les trouvez-vous inconvenantes car c'est une femme qui mène le jeu et assume pleinement une sexualité « mouchoir » ? Car la sexualité de Faye fait pleinement partie de son évolution : se pliant au début aux fantasmes de son mari en se déguisant en jeune écolière, entièrement tournée vers le plaisir de Jack, puis réapprenant son corps, assumant ses désirs, et redécouvrant une sexualité épanouie qui n'oublie pas son propre plaisir.
Lien : https://enquetelitteraire.wo..
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