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Critique de Leponeynoir


Ce traité concis et structuré a le mérite d'apporter un éclairage sur un phénomène qui, au gré des révolutions, a gagné en importance : celui des foules. On est alors à la fin du 19ème siècle, à une époque où les idées nouvelles, propres à mobiliser les masses, sont en plein essor; tout cela au détriment du corpus des valeurs traditionnelles qui a fait le socle de la civilisation occidentale (Nietzsche parlait déjà du « crépuscule des idoles »).
Ce phénomène d'entropie, Gustave le Bon le replace, par une mise en abîme, dans le phénomène millénaire des naissances et des morts des civilisations.
L'auteur l'explique très clairement : la foule constitue le stade ultime de la civilisation en déclin; elle participe ainsi à sa désagrégation.
Pourtant, c'est aussi un interlocuteur indispensable pour les pouvoirs en place. Pour se maintenir, il faut composer avec elle.
Il s'agit donc de mieux comprendre les lois qui régissent cette entité grégaire : de quoi est-elle constituée, quels sont ses mobiles, ses valeurs, à quelles dynamiques obéit t'-elle... ?
À cet égard, le Bon dresse un portrait saisissant de la foule : foule malléable, à l'entendement réduit, dont la puissance émotionnelle transcende et transforme l'individu; foule régie par un déterminisme atavique, inconstante et en quête de meneurs auréolés de prestige; foule tyrannique insensible aux demi-mesures... foule aux effusions passagères mais violentes, foule également capable du meilleur comme du pire.
L'auteur a aussi le mérite d'étudier des types de foules spécifiques comme les jurys ou les assemblées parlementaires.
Il va sans dire qu'avec la croissance du phénomène dans un vingtième siècle troublé, nombreux furent les meneurs qui l'exploitèrent pour asseoir des entreprises de conquête du pouvoir. Les fascismes de l'entre-deux-guerres, comme les révolutions communistes, eurent leurs brasseurs de foules, et il y a fort à croire que nombre d'entre eux s'inspirèrent, au moins en partie, des connaissances de Gustave le Bon en la matière.
Faut-il en conclure que, malgré leur inconstance, les foules peuvent être prises en main et dirigées durablement au gré de la volonté d'une puissante minorité ?
Avec le perfectionnement des moyens de communication et l'apparition des mass-médias, la question reste entière.
Après la mobilisation des masses par la revendication sociale puis par l'endoctrinement politique, on a assisté à la manipulation des masses par l'information.
Depuis les écrits de Gustave le Bon, la notion de foule semble avoir évolué : avec l'apparition de la virtualité et de ses multiples manifestations, et sachant qu'un agrégat d'individus isolés mais entraînés par un élan commun constitue une foule (page 10), il faudra sans doute redéfinir et étendre ce concept.

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