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Critique de domi_troizarsouilles


Je remercie les éditions du Seuil et Babelio, qui m'ont proposé ce livre à l'occasion d'une Masse critique privilégiée. J'avoue que, comme c'est souvent le cas dans ces invitations particulières, je ne savais pas trop à quoi m'attendre. John le Carré est certes un nom plus que connu, et je sais que j'ai lu un ou même plusieurs de ses livres autrefois, c'est-à-dire quand j'étais ado, au pire jeune adulte (ce qui fait bien loin de toute façon !), et que je fréquentais encore la petite bibliothèque de quartier où j'allais avec mes parents depuis l'enfance.
Mais qu'ai-je lu exactement, et qu'en ai-je alors pensé ? Mystère… puisque, à l'époque, je ne notais absolument rien – à peine pour l'école, l'exercice de commentaire de livres ne m'intéressait alors pas du tout !

En outre, je ne suis pas particulièrement fan des romans d'espionnage – dans le sens où, certes, ils ne me déplaisent pas, et j'en lis quelquefois avec plaisir, mais ce n'est pas non plus un genre que je recherche plus qu'un autre, même si sa proximité (souvent) avec les polars/thrillers est un aspect qui peut m'attirer.

Mais alors, ici, bingo ! Rien que le titre est déjà attirant : comment résister à un amour des livres ? Il faut noter toutefois qu'il n'a strictement rien à voir avec l'original, « Silverview », qui désigne le lieu de résidence du fameux espion, un lieu qui aura son importance, tandis que le titre français privilégie un autre lieu, en l'occurrence une toute nouvelle librairie qui va servir, en quelque sorte, de lieu-déclencheur. Sans vouloir en dire davantage, au risque de divulgâcher, il faut quand même préciser que, à cette occasion, l'auteur n'a pas manqué de souligner, et à plusieurs reprises, que le métier de libraire ne s'improvise pas : il faut une véritable formation, des connaissances en la matière, tandis que le fait d'avoir du fric (notre jeune héros étant un ancien trader qui a tout plaqué) et un vague attrait pour les livres, ça ne suffit pas ! Je ne connais rien au métier de libraire, mais j'ai trop souvent entendu que ce n'est pas aussi simple qu'on veut bien le croire, non sans une certaine naïveté, alors je dis bravo à ce roman qui le souligne très clairement !

Pour le reste, il est assez difficile de parler de ce livre en évitant le moindre spoil, car on a ici le schéma même où on entre de plein pied dans l'histoire, tandis que les éléments importants ne se dévoilent que petit à petit au fil de la poursuite de l'histoire, ou bien dans les dialogues entre les uns et les autres, de quelques rappels du passé de l'un ou l'autre personnage par des biais plus travaillés que de « simples » flashes back (si tant est qu'écrire un flash back est un exercice simple, mais là n'est pas la question) : on a par exemple tel personnage qui rencontre un ancien espion, et qui avec lui relit le dossier de notre personnage « cible ». Et ainsi, l'auteur invite implicitement le lecteur à reconstruire peu à peu lui-même l'intrigue, au fil des éléments qui sont donnés…
Ça peut paraître décousu, mais peu à peu on prend plaisir à retracer les choses.

Quoi qu'il en soit, ce que je retiens de tout cela, c'est ce que le résumé du livre laisse entendre à très juste titre : l'auteur (je cite) « révèle les affres et les doutes des agents secrets, dans l'exercice de leur fonction comme derrière les portes closes de leur foyer ».
Les personnages ici sont assez peu fouillés, ils ont même parfois quelque chose d'éthéré. Cependant, même si on ne s'attache pas spécialement à eux, on ne peut qu'être touché par le côté tellement humain qu'ils dégagent ! C'est que, dans l'imaginaire collectif (dans le mien en tout cas), l'espion apparaît comme un personnage un peu à part, à la limite du super-héros, nimbé d'une aura de mystère et de force tout à la fois (vous avez dit Bond, James Bond ?). Si l'auteur parvient à garder cet aspect-là (comment autrement ?), il réussit tout à la fois le tour de force de les faire apparaître tout simplement comme vous et moi, comme votre voisin, avec la différence qu'ils exercent un métier qui les engage tout entiers, jusque dans leur vie privée ! D'ailleurs, l'auteur laisse entendre qu'ils se marient « entre eux », et que leurs enfants sont appelés à suivre la même voie d'une façon ou d'une autre !... On comprend que, souvent, surtout à des grades subalternes, pour des raisons (évidentes ?) de Sécurité, ils doivent juste obéir à des ordres sans discuter, en bons petits soldats qu'ils sont.
Inutile de dire à quel point tout cela à un goût de vécu – je n'ai lu la biographie de John le Carré qu'après avoir lu ce roman, mais c'était tellement évident !

Et puis vient le jour où la réalité de ce qu'ils vivent, leurs sentiments aussi, dépasse ce qu'ils peuvent endurer ; ils se retrouvent alors à osciller dangereusement entre la sacro-sainte fidélité au Service et le respect de leurs convictions les plus profondes, qui tout à coup ne sont plus compatibles… Ont-ils vraiment le droit d'être eux-mêmes, d'être humains, comme n'importe qui d'autre ? Peuvent-ils se permettre le luxe de faire des choix en fonction de ce qu'ils ressentent profondément ? Et à quel prix ?

À mes yeux, ce sont ces questions-là que l'auteur pose – et bien entendu, y répond (et on ne peut que se réjouir de la conclusion, un peu « téléphonée », peut-être, elle parvient néanmoins à tenir en haleine le temps de quelques pages!), sans grand risque puisque, comme l'indique sa biographie, il avait déjà bien quitté le service actif lorsqu'il a écrit ses romans les plus récents. Celui-ci, on le sait, a été publié à titre posthume, après avoir reçu un peaufinage ultime de la part du fils de John le Carré, lui-même romancier – indéniablement, cela participe à tout ce côté très humanisé d'un métier qui ne fait sans doute plus autant rêver qu'en d'autres temps, mais qui permet à nos pays démocratiques d'éviter – autant que possible – tant et tant de menaces qu'on ne peut même pas imaginer !
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