Partir pour ne jamais revenir. Essayer d'oublier. Se reconstruire. Ailleurs.
"Pendant que la marée monte
Et que chacun refait ses comptes
J'emmène au creux de mon ombre
Des poussières de toi..."
Elena aimerait que ce moment dure mille ans. Elle se sent en sécurité. Enfin à sa place. Sereine. Simon agit sur elle comme un baume miraculeux. Elle a besoin de lui. Elle n’a besoin de rien d’autre. Elle pense que si elle pouvait le garder à ses côtés, il éloignerait la douleur et le malheur. Elle voit Simon comme un homme-talisman. Elle espère de toute son âme que ce début d’histoire a de l’avenir. De façon moins égoïste, elle espère aussi avoir quelque chose à lui offrir, arriver à le rendre heureux. Elle fera de son mieux, en tout cas.
12 janvier 2011…
La première fois qu’elle le voit, Elena le prend pour un visiteur et elle regrette aussitôt qu’il ne soit pas venu la voir. Elle se dit que ce serait bien d’avoir quelqu’un comme lui dans sa vie, une personne avec un visage doux, un regard bienveillant. En plus, il est beau gosse, grand et bien bâti, des cheveux bruns portés à hauteur des épaules, des vêtements de marque, qui dénotent avec la tenue en vogue à la clinique : le jogging défraîchi.
Elle le croise seulement, avec un petit pincement au cœur. Elle aurait bien aimé... Oui vraiment. Mais elle ne le verra certainement jamais plus.
Elena referme son cahier. Ce résumé lui fait se remémorer le chemin parcouru : elle a trébuché, elle est tombée, cela a été douloureux, mais elle s'est relevée et a poursuivi sa route. En un an, elle a réussi à prendre un nouveau départ, changer de métier et se reconstruire. Elle se sent plus forte à présent. Et mieux entourée. La futilité n'a pratiquement plus de place dans sa vie. Elle a gagné en profondeur. Elle devient une autre Elena, une Elena entière, faite d'un corps et d'un esprit, comme si elle s'était découvert une âme. Elena 2.0., pour reprendre un terme emprunté à l'informatique : capable de pleurer, d'être heureuse, de vivre, d'aimer, de perdre ou de gagner avec une intensité nouvelle. Elle aime bien la femme qu'elle est en train de devenir.
Au cas ou la vie lui réserverait encore une belle saloperie.
Elle sait qu'elle joue avec le feu. Elle sait qu'elle fait tout ce qui lui est déconseillé ou interdit.
Des scenarii tous plus terribles les uns que les autres germes dans mon esprit : cela va de l'accident d'avion à l'enlèvement. Elle ne sait rien, elle imagine le pire.
Je crois bien avoir trouvé ce qu'il manquait à ma vie : le don de soi. Je pratique le lien à un niveau modeste – je ne me prends pas pour Mère Theresa, loin de là !
Ce qui les liait lors de l'hospitalisation aura-t-il encore un intérêt dehors, lorsque chacun aura repris le cours de sa vie ?