AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de YvesParis


« Les timides audaces d'une nation réunifiée » est le sous-titre particulièrement bien choisi du dernier ouvrage de Anne-Marie le Gloannec, spécialiste reconnue de l'Allemagne. Dans l'excellente collection CERI/Autrement, elle publie, sur le modèle revendiqué du remarquable "Washington et le monde" de Justin Vaïsse et Pierre Hassner, une analyse érudite de la politique étrangère allemande dans laquelle, comme son sous-titre l'annonce, elle insiste sur les paradoxes de cette politique.

Alors qu'en 1990, il était partout question du retour de la puissance allemande, la place et le rôle de l'Allemagne sur la scène internationale se déclinent aujourd'hui sur le mode de l'oxymore : « continuité et changement », « souveraineté et dépendance », « pouvoir et vulnérabilité » constitueraient, selon Hans-Peter Schwartz que cite l'auteur, les principaux paradigmes bien fragiles d'une « république sans boussole ».

Il est vrai que l'Allemagne ne réussit pas à se choisir une ligne politique. le concept de « puissance civile » (Zivilmacht) défendu par Hanns W. Maull, semble à ce jour trop utopiste, faute pour le « bourgeois » de survivre dans un monde encore « barbare ». Pour autant, l'Allemagne n'est pas prête à se transformer en puissance militaire. L'opinion publique y est hostile. Si le pacifisme politique s'est délité, souligne intelligemment l'auteur, c'est parce que « tout le monde en Allemagne est d'une certaine façon pacifiste » (p. 114). D'autant que l'opinion est parcourue depuis une dizaine d'années par des constants « retours de mémoire » : appel controversé de Martin Walser en 1998 à « tourner la page d'Auschwitz », parutions de "En crabe" en 2001 et de "L'incendie" en 2002 qui jettent un jour nouveau sur les souffrances subis par le peuple allemand durant la Seconde guerre mondiale, succès du film "La chute" en 2004 décrivant les derniers jours de Hitler, confessions tardives à l'été 2006 de Günter Grass sur son appartenance aux Waffen SS.

Ces forces contradictoires ne simplifient pas le positionnement allemand face à ses principaux partenaires. L'europhilie demeure, même si elle se combine avec un fort scepticisme à l'égard de l'Union européenne telle qu'elle fonctionne actuellement. La relation avec les Etats-Unis est celle qui a le plus changé avec la « fin de l'extraordinaire parenthèse » (p. 36) de la guerre froide. La France jouit d'un capital de sympathie qu'elle doit à sa position sur l'Irak et dont rien ne dit qu'il soit pérenne. A l'est, les relations avec la Russie et la Pologne oscillent entre le pragmatisme et la défense des valeurs.
Commenter  J’apprécie          100



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}