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Critique de nadejda


Dans le Pont des Anges qui vient de paraître, Clément XV, successeur de Miltiade II le pape noir qui est monté sur le trône De Saint Pierre au début du XXIème siècle, fait un voyage en Afrique qu'il termine au Zaïre, à Kingshasa d'où était originaire Léopold Hédor Dagotta, primat du Zaïre, devenu Miltiade II. Il fait un beau portrait de son prédécesseur, dont le pontificat fait l'objet du «dieu noir», auquel il rend hommage avant d'annoncer son élévation au titre de bienheureux :
«Le grand pape tiaré que ses ennemis caricaturaient comme une idole lointaine et monstrueuse était un homme priant, fragile, avec sa sensibilité et ses faiblesses. J'ai pleuré en voyant les ravages de ceux qui voulaient détruire Rome pour mieux le chasser, sans doute parce que certains, ici, le trouvaient trop loin de vous, comme un renégat qui tournait le dos à sa terre et à ses idéaux, tandis que d'autres en Europe ne pouvaient admettre que le siège romain leur eût échappé et n'aspiraient qu'à le voir retomber dans leur escarcelle, eux qui avaient eu déjà trop longtemps les rênes.» p 324 du Pont des Anges
L'ambiance du «dieu noir» est apocalyptique, le terrorisme gagne. La planète entière est soumise aux secousses et convulsions d'un monde en révolution, chaotique. Miltiade II, le pape noir, rêve de concilier l'inconciliable, les pauvres en révolte et les possédants qui veulent préserver leur monde qui risque de voler en éclat.
Léopold Hédor Dagotta encore patriarche du Zaïre songe « Aujourd'hui je vois le monde comme une multitude de lambeaux errants, tous détenteurs d'une fraction de vérité. Hostie tentaculaire et morcelée. Il conviendrait de se souvenir un seul instant du sacrifice du Fils de l'Homme au jardin d'agonie. J'attends la réunification de l'Eglise autour de sa source, la racine de Jessé, le tronc de l'Arbre du Salut. Mon Eglise est celle du mystère, du miracle et de la jubilation.» p 33
Devenu le pape Miltiade II, il rêve de totalité, d'unifier, fédérer : «Je veux coudre, rentoiler les continents, je veux rétablir le monde dans sa plénitude insulaire, sa compacité originelle.» écrit-il dans son journal p 172

Son rêve sera broyé par ses pairs au sein de l'Eglise et par les foules qui le rejettent. Dans ce Vatican où il se trouve enfermé il note : « La beauté ici est veuve, stérile, apanage de momie. Je vis parmi les spectres. Il me faut rompre, trancher, partir. J'habite le nom d'un mort.»

Philippe le Guillou sait faire jaillir de la fange même des images fortes dans un langage hallucinatoire. Il le fait grâce à une écriture baroque, mélange de boue et d'or, de décomposition et résurrection. Les phrases sont généreuses et somptueuses comme les ors et les richesses du Vatican, pleines d'un accent visionnaire soutenu par l'abondance des énumérations et des mots précis et choisis.
Il est peut-être inspiré par Miltiade dont il dit page 237 « Africain, il avait le goût des mots. Pour leur masse, leurs sonorités. Les mots pour lui était substance avant d'être idée. Pâte, limon à fouiller. Chair entre douleur et mémoire. Entre néant et souffle.»
J'avais mis 3 à ce livre que je comparais trop à celui qui vient de paraître «Le Pont des Anges» mais en essayant de traduire son contenu je les mets au même niveau 4 car tout en différant ils s'inscrivent dans une continuité et les papes, Miltiade II et Clément XV qui lui succède, sont tous les deux passionnants à suivre dans leur complexité et leur humanité ainsi que leur entourage.
Merci à Dominique «ivre de livres» qui par sa chronique du «Pont des Anges» m'a permis de découvrir Philippe le Guillou et de lire deux livres aussi passionnants l'un que l'autre.
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