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Critique de LaGeekosophe


Comme tous les étés, je lis également un roman d'Ursula le Guin. Je continue l'exploration du Cycle de Hain avec le Dit d'Aka, qui s'annonce comme très philosophique et anthropologique dans sa façon d'aborder le space opera et la science-fiction. Curieuse de découvrir quel nouveau choc culturel va être mis en scène !

Ursula le Guin son oeuvre sur l'Ekumen ! Cette fois-ci, nous découvrons une planète tentant de rattraper son retard technologique après avoir découvert que d'autres étaient capables de voyager à travers l'espace. Pour cela, un monde corporatiste s'est installé avec le dogme de la productivité, tentant de faire disparaître les anciens usages. La force et la répression sont les premiers moyens utilisés, ce qui aboutit à des tensions entre les villes et les lieux plus reculés. Ensuite, beaucoup de jeunes oublient les histoires anciennes, donnant naissance à une population tournée vers le travail et la poursuite des objectifs pour conquérir les étoiles. Une société uniquement tournée vers l'avenir et la productivité, ayant pour modèle une société extérieure qu'ils considèrent comme supérieure.

Mais en s'éloignant des villes, on découvre une autre forme de culture. Ursula le Guin brille dans la description de ces spécificités. Aka a une culture qui semble dans un premier temps axée sur l'oralité. Ces conteurs du Dit vont par deux, un homme et une femme tellement inséparables qu'ils forment une même entité désignée par un pronom neutre unique. Ils accumulent d'anciennes connaissances. Dont des histoires plus ou moins longues, souvent avec une morale. le passage de la connaissance est difficilement descriptible, est le récipiendaire d'une forme de philosophie, plutôt que du passé d'Aka. Comme souvent dans ses romans, la planète visitée par l'Ekumen est une fiction servant de thèse anthropologique et sociologique. Pour preuve, Aka est présentée comme un bloc avec peu de variations culturelles à l'échelle d'une planète.

Sutty est envoyée de l'Ekumen pour en savoir plus sur les traditions d'Aka. Indo-Canadienne, elle a grandi dans un monde où le fondamentalisme religieux a pris de plus en plus d'importance. Jusqu'à la violence et la guerre, qui lui a beaucoup pris. Sa famille a dû s'adapter à un autre mode de vie, caché sa croyance en la multitude de dieux indiens face à une organisation qui prône l'Unique. le personnage principal a donc une réaction urticaire face aux actes de la Corporation, qui lui rappelle la pensée dogmatique de la Terre. Fortement inspirée des croyances de sa famille, elle est plus proche des Mazh, ces conteurs garants de la tradition et des histoires orales du monde d'Aka. J'ai beaucoup aimé ce personnage qui doute, mais qui est surtout curieux du monde et est animé de convictions profondes.

Une grande partie de la richesse du roman se trouve dans les dialogues. En effet, l'autrice déploie toute la pensée derrière le Dit d'Aka lors d'échanges entre différents personnages, ce qui est fort à propos. Dans un premier temps, Sutty parle avec les Mazh, ce qui lui permet d'approfondir les réflexions autour de l'oralité, mais aussi sur la place structurante de l'histoire du passé et des contes dans une société. Mais ce sont les échanges avec Yara qui dévoilent une grande subtilité. Ce dernier est un corporatiste convaincu chargé de surveiller Sutty. Son point de vue vient modérer une vision réductrice du conflit entre Mazh et corporatistes, montrant que les simplicités apparentes cachent une réalité plus nuancée. En un sens, ces nombreux dialogues rappellent la philosophie antique, où la parole avec d'autres permet d'accéder à nouvelles connaissances et perspectives.

Ursula le Guin présente, comme souvent avec ses sagas, une oeuvre intellectualisée. Aka est le théâtre d'une lutte idéologique profonde. Cette opposition des idées pousse le lecteur à la réflexion sur la société : qu'est-ce que la connaissance ? Qu'apportent les légendes à une société ? La violence politique pour le progrès est-t-elle justifiée ? L'émotion n'est cependant pas absente. le personnage principal, Sutty, est bien caractérisé, entre failles et force de conviction. L'autrice met en opposition un monde fondamentaliste et un autre progressiste, et montre dans les deux cas les ravages de l'extrémisme. Elle le fait grâce à cet outil puissant qu'est le dialogue, qui rappelle ici des échanges philosophiques profus, soulignant la subtilité de la pensée.
Lien : https://lageekosophe.com/202..
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