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Critique de Jooh


Après la découverte des discours de Théroigne de Méricourt, George Sand, Elizabeth Guigou (tous trois regroupés dans "Citoyennes, armons-nous !") et Olympe de Gouges, c'est tout naturellement que j'enchaîne ma lecture des textes fondateurs pour les droits des femmes avec "Égalité des hommes et des femmes et autres textes" de Marie le Jars de Gournay.
Je remercie donc les éditions Folio et Babelio pour m'avoir permis de le lire dans le cadre de Masse Critique.


À l'instar d'Olympe de Gouges, Marie le Jars de Gournay a l'intelligence de ne pas faire de réquisitoire contre l'homme ni de plaidoyer sur la suprématie féminine, car comme elle l'explique intelligemment "je me contente de les [les femmes] égaler aux hommes, la Nature s'opposant pour ce regard autant à la supériorité qu'à l'infériorité."
Mais même si les deux sexes sont égaux, et qu'en cela elle ne dénigre pas les hommes, elle les accuse néanmoins d'avoir permis à la société de déconsidérer la place des femmes. Elle démontre sans peine que le fait de reléguer les femmes au rang de sexe faible est une invention purement humaine, car rien ni dans la Nature, les textes religieux, philosophiques, historiques ne place la femme en-dessous de l'homme sur l'échelle humaine ; elle rejoint d'ailleurs par là une idée émise par​ une autre femme de lettre,​ Mary Wollstonecraft ​- ​maman de la célèbre Mary Shelley​ -​ dans son courageux pamphlet pro-féministe "Défense des droits de la femme" ​: ​"Car, telles les fleurs plantées dans un sol trop riche, leur force et leur utilité sont sacrifiées à la beauté, et les feuilles étalées, après avoir satisfait un oeil méticuleux, fanent dans l'indifférence sur leur tige, bien avant la saison où elles auraient dû arriver à maturité. J'attribue l'une des causes de cette floraison stérile à un système d'éducation erroné, établi en fonction des livres écrits sur le sujet par des hommes qui, considérant les femmes en tant que sexe opposé et non comme des êtres humains, tenaient plus à en faire des maîtresses élégantes (...). "

Le propos est assuré, les idées proposées solidement démontrées, et défendues​ avec bravoure et finesse​. de plus, j'admire son ambition et son projet​ tout entier​, ​et j'aime le fait qu'​elle n'hésite pa​​s​,​ pour​ ​parvenir à​ ses fins, à s'adresser ​directement aux plus puissants​ et plus concernés par l'égalité entre les deux sexes​,​ à l'instar de la Reine à qui elle dédie son pamphlet. On apprend, dans la préface, qu'elle destine également aux souverains et aux plus nobles du royaume, des traités d'éducation et de vertus : car qui mieux qu'eux, sans cesse sous les projecteurs, pourra donner l'exemple au peuple de ce qu'est un comportement respectueux pour une vie saine et bonne ?

Son argumentaire solide a su me convaincre, j'ai beaucoup apprécié le fait qu'elle se base sur des faits réels pour illustrer ses propos, en évoquant les grandes figures féminines qui ont marqué L Histoire comme Sa​p​pho,​ la mathématicienne et philosophe Hypathie,​ les amazones, mais aussi les témoignages de grands hommes comme Platon, S​é​n​è​que​ ou Saint Jérôme, défendant à leur tour la valeur des femmes, et leur attribuant les mêmes facultés que les hommes.
Elle prouve par sa dissertation, qu'elle n'a rien à envier aux grands esprits masculins de son époque​, et donne à toutes les femmes la fierté d'être l'une de ses paires​.

Ce recueil regroupe d'autres essais sur divers thèmes, car, même si la place que l'on donne à la femme dans la société est le sujet de dissertation favori de Marie de Gournay, elle n'hésite pas à donner son point de vue sur d'autres sujets, comme la superficialité des relations humaines, le manque de moralité des ses pairs ou les moeurs de la société.
Elle se plaît notamment à tourner en dérision les différents types de "mauvais" amis, comme celui qui sera toujours de votre côté par intérêt, que vous fassiez le bien ou le mal ; celui qui ne critiquera jamais vos faits et gestes, alors même qu'il pourrait par là contribuer à votre apprentissage et à votre perfectionnement "pourvu que l'injure se prononce avec juste douleur, pour décharger un coeur qui crève, pour éclaircir encore et non pour offenser l'écoutant" ; enfin celui, déraisonnable, qui vous suivra aveuglement et vous admirera sans mesure.


Son propos est très convaincant tout au long de cette lecture enrichissante, les idées ambitieuses, et le tout merveilleusement servi par une plume libre, forte et percutante.
Je dois néanmoins admettre que la syntaxe désuète m'a semblé difficile en début de lecture.

En somme, des réflexions passionnantes et convaincantes d'une grande femme et auteure qui pose un regard critique et réfléchi sur son époque, avec la volonté certaine d'une prise de conscience et de changement des comportements délétères pour la société - encore aujourd'hui cruellement actuels sur bien des domaines.
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