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Critique de Bigmammy


« Les hommes qui passent leur vie à partir ne fuient rien : ils cherchent le commencement. »

J'avais déjà apprécié le style de Bruno le Maire en lisant plusieurs de ses essais politiques, et l'auteur avait pris la peine de me remercier de ma chronique. Aujourd'hui, il « ose » publier un roman déconnecté de toute adhérence politique et la critique lui tombe dessus à propos de passages érotiques … quel scandale : l'amour vu par un homme jeune, vous n'y pensez pas ! (Et, entre nous, on a lu bien pire !!!)

Hauts cris ridicules, mal venus, dérisoires … en un mot : minables. Que reproche-t-on à notre ministre des Finances ? Se risquer dans un domaine qui lui serait, par obligation, étranger, celui de la fiction, consacrer un temps personnel à autre chose que son devoir politique ?

La plupart du temps, ceux qui crient le plus fort n'ont pas pris la peine de lire au-delà des cinquante premières pages. Mais la controverse a au moins l'avantage de "faire le buzz"... N'y aurait-il pas eu, de la part de l'éditeur, justement une fuite ?

Pour ma part, j'ai fait l'effort de tout lire. Et ce fut parfois un effort méritoire … le roman s'apparente en effet à une succession de poupées russes (et ce n'est pas un hasard) : l'histoire d'une famille juive qui fuit l'Allemagne nazie pour les Etats-Unis, la rencontre entre un musicien de génie et un couple de frères, une réflexion désabusée sur la décadence de l'empire occidental.

La thèse générale : la révolution spirituelle sournoise actuellement à l'oeuvre, en à peine deux générations et dans une remarquable indifférence, est encore plus efficace que la révolution communiste car elle ne promet rien. Dans le grand manège du monde, l'Asie a pris son tour, c'est elle désormais l'astre central, celui auquel les autres nations gravitent. Nos valeurs glissent sur la pente descendante.

Autour de ce concept, la description – stylistiquement talentueuse – de la vie à New York et à La Havane de 1949 à nos jours, à travers le récit du plus jeune des frères Wertheimer, envoyé à son neveu Maxime Lebaudy …

Un festival de portraits traités à la sulfateuse, entrecoupé de références culturelles qui sont autant de clins d'oeil au lecteur lettré, des dialogues passant de l'allemand à l'anglais sans note de traduction de bas de page – mais cela ne me gêne pas puisque je suis, comme l'auteur, germaniste. La lecture, ça se mérite.

Et surtout, l'évocation d'une longue descente aux enfers : celle de nos valeurs occidentales, la décadence transposée à travers la vie et les tics de deux personnages pas très recommandables : le pianiste virtuose Vladimir Horowitz et Franz Wertheimer, psychiatre qui n'a pas su ou voulu soulager la dépression de son frère aîné, pianiste raté et agent immobilier ruiné.

Roman historique, biographie romancée d'un interprète jadis acclamé et aujourd'hui oublié – et de ses contemporains – réflexions philosophiques sur l'amour et la famille, évocation des ravages des régimes totalitaires – nazisme et stalinisme … un peu tout à la fois.

Bruno le Maire prépare sans doute sa reconversion dans le royaume des lettres ? Lui seul peut nous donner la réponse.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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