À propos de Jake Angeli (l’activiste de l’assaut du Capitole en 2021) : « Parmi ses tatouages, on reconnait le marteau de Thor, appelé Mjölnir dans la mythologie nordique et adopté comme signe de reconnaissance par les partisans du suprématisme blanc. Sur sa poitrine, un autre tatouage représente l’Yggdrasil, l’immense frêne « arbre du monde » qui, dans la mythologie nordique, porte à son sommet l’aigle Vidofnir (tout comme le Turul est posé au sommet de du Vilagfa, l’arbre du monde de la mythologie hongroise). Cette image de l’Yggdrasil est reprise aujourd’hui comme marqueur identitaire par les païens d’extrême droite. Au-dessus de ce tatouage, Angeli en porte un autre : le valknut, qui confirme, précise et renforce les symboles précédents. Un symbole pris isolément, risque toujours d’être mal interprété, mais l’association de trois d’entre eux permet de délivrer un message beaucoup plus clair, à savoir l’appartenance au wotanisme, dont le valknut est la marque. »
Le propre de l’ethnocentrisme étant de se voir soi-même au centre du monde, sur une telle carte, nul ne s’étonne en France de voir ce pays placé tout juste au milieu, alors que cette position est tout-à-fait arbitraire.
En popularisant, au début des années 1960, la notion de "pensée sauvage", Claude Lévi-Strauss a clairement établi qu'il ne s'agit certainement pas là d'une caractéristique propre aux "sauvages", contrairement à ce que l'Occident avait longtemps imaginé. Non : il s'agit d'un mouvement de l'esprit humain en général. (...) En effet, connaître les causes matérielles et rationnelles d'un événement n'empêche pas de pouvoir leur ajouter un supplément de cause immatérielle, proprement mythique. C'est même ce que font tous les peuples du monde, y compris les Occidentaux.
Les grandes épidémies furent imputées à la colère divine (Deus Irae) et, par exemple, lors de la peste de 1729, à Marseille, l'évêque Henri-François-Xavier de Belsunce déclara en chaire que "Dieu irrité veut punir les péchés du peuple (...)". Suivant une approche encore fréquente, on pourrait comprendre cette explication par le châtiment divin comme relevant tout simplement de l'ignorance, puisque l'épisode se situe bien avant la découverte du bacille responsable de cette maladie (...). Mais que vaut cette explication quand on constate qu'avec l'épidémie de Covid-19 s'est répandue l'idée que "la nature se venge" des excès commis par l'humanité ? Après l'apparition de ce nouveau virus, on a rapidement vu se multiplier les déclarations évoquant la "vengeance de Gaïa" (...). Pourtant, le génome complet de l'agent pathogène fut très rapidement séquencé, ses variants identifiés et pistés, sa façon de se propager reconnue et des vaccins efficaces mis au point en un temps record. L'explication mythique par la "vengeance" de la nature, de Gaïa, des forces vitales ou du pangolin (!) n'est donc pas attribuable à l'ignorance, et cet exemple suffit à montrer que le propre du mythe ne tient pas au fait qu'il serait une pré-science, qu'il donnerait une explication du monde erronée parce qu'en attente de la véritable compréhension scientifique. Non, le mythe n'est pas une explication : il ajoute du sens.