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Critique de myrtigal


Cet ouvrage, écrit par l'éminent historien Nicolas le Roux, fait parti d'une ancienne collection des années 60 intitulée « les trente journées qui ont fait la France » créée par les éditions Gallimard, et qui se proposait de livrer une analyse nouvelle et inédite d'une date majeure ou particulière qui eut un retentissement ou des conséquences notables pour l'histoire de France.
Collection malheureusement quelque peu tombé dans l'oubli, mais qui récemment grâce à une reprise en 2005 sous le nom « les journées qui ont fait la France » et à plusieurs rééditions, notamment chez Folio, retrouve un certain écho.
Dans l'ouvrage présent, et comme son titre l'indique, l'historien se penche sur le régicide de Henri III. Évènement absolument inédit dans l'histoire de France car de mémoire d'homme et depuis les mérovingiens aucun roi de France n'avait jamais été assassiné. C'est donc à ce titre, mais aussi de par ses conséquences — l'avant/après —, une journée effectivement marquante de l'histoire de France.
Nicolas le Roux va présenter dans cette ouvrage les tenants et les aboutissants exactes qui conduiront à ce tragique évènement.

Dans une première partie il va commencer par nous dresser le portrait d'Henri III, un portrait à la fois juste et touchant mais surtout nécessaire. Car comme le Roux l'écrit « Henri III fut le plus mystérieux de tous les monarques de l'ancien régime ». Il était un roi ambiguë, contradictoire, soucieux, différent. Un roi qui avait la volonté de conjuguer douceur et obéissance, qui voulait réunir ses sujets à tout prix, inquiet de leur salut, mais qui a finit par s'attirer la colère et l'incompréhension de tous et se déconnectant peu à peu des normes de son temps ; présence des Mignons, instauration d'une étiquette, excès de mysticisme, auquel on ajoute une attitude jugée trop tolérante à l'égard des huguenots, auront raison de son image auprès de son peuple.
L'historien va ensuite expliquer comment tous ces éléments conduiront à un processus de désacralisation progressive de la personne du roi, et comment l'idéologie de résistance au « tyran » issu au départ des protestants se transfèrera peu à peu chez les catholiques zélés. Et on assistera là à une bascule inédite vers une théorisation (textes et pamphlets), et in fine, une légitimation de l'acte régicide.
Une première partie captivante et capitale, qui pose les jalons, et permet ensuite de pouvoir comprendre les parties suivantes à travers desquelles on entrera dans le détail de la poudrière des guerres civiles et de religion jusqu'à l'aboutissement du processus.

La seconde partie sera consacrée à présenter la montée de l'Union Catholique, appelée la Ligue. Une faction qui a commencé à se former dès 1584 lorsque Henri de Navarre devient l'héritier du trône, suite à la mort du dernier frère de Henri III. Navarre est prince du sang certes mais prince protestant, et son accession potentielle au trône provoquera une telle indignation que les catholiques ultra décideront de se soulever. Cette absence d'héritier sera vraiment l'un des plus grands fléau du règne et de la vie personnelle de Henri III ; elle créera une crise dynastique sans précédent dans le royaume, qui sera elle-même à l'origine d'un nouveau niveau de crise religieuse et politique interne.
Le duc de Guise, ami/ennemi de Henri et issu de la très haute noblesse, prendra la tête de cette révolte et gagnera en pouvoir au point qu'Henri sera acculé, obligé de composer ou de se plier aux exigences d'une ligue toujours plus puissante. D'autant plus que la ville de Paris se constituera également en ligue indépendante et se soulèvera aussi contre le roi.
Henri tentera de reprendre la main, difficilement, jusqu'à convoquer les états-généraux en 1588 mais qui aboutiront là aussi à une impasse et à encore plus de tension. Jusqu'à ce qu'en décembre de la même année, Henri III soit poussé à la plus terrible extrémité : faire assassiner Guise et son frère le Cardinal de Lorraine. Ces deux exécutions susciteront un choc et un émoi considérable dans le royaume, et à partir de là les choses prendront une tournure plus dramatique encore car dorénavant va se répandre, et de façon décomplexé, l'idée que le roi est un odieux tyran auquel il faut mettre un terme. Triste ironie quand on sait que le salut de ses sujets lui tenait particulièrement à coeur.

Puis on plongera dans la dernière ligne droite du terrible engrenage, l'auteur va nous faire vivre les évènement jour par jour, presque heure par heure, la dernière bataille que mènera Henri III pour rétablir son autorité dans un royaume à feu et à sang.
Mayenne, troisième frère Guise, deviendra le nouveau leader de la ligue, tandis que Henri sera contraint de faire une trêve avec Navarre et les protestants afin de s'allier et contrer ensemble la puissante Ligue qui dorénavant a pris possession de Paris. Et c'est durant cette bataille de reconquête, qui devenait de plus en plus favorable au roi, qu'un jour un jeune moine souhaitera s'entretenir avec lui. Henri, pour qui il est impensable de congédier un homme d'Église, le recevra personnellement. Il le poignardera et le roi succombera à ses blessures le lendemain matin.
Le Roux nous expliquera comment le moine est arrivé à ce passage à l'acte tout en nous précisant les nombreuses zones d'ombres qui persiste quand à d'éventuels complices ou commanditaires.
Enfin, dans la dernière partie l'historien s'attèlera à nous montrer l'après de ce régicide. Un acte qui a amené l'avènement de Henri IV mais qui n'a pas calmé les tensions, Jacques Clément sera fêté comme un héros dans une débauche de joie pour le moins sidérante à lire. la Navarrais devra apaiser et pacifier son nouveau royaume par la conquête militaire, et une longue patience, et il parviendra grâce à ses partisans mais aussi les catholiques modérés à retourner l'opinion contre les ligueurs.

On comprend grâce à cet ouvrage que l'assassinat de Henri III est l'aboutissement d'une longue histoire violente, qu'elle est le résultat de la sommes des différents troubles qui ont secoué le royaume et son règne : les guerres de religion, la ligue, la crise de la succession et la désacralisation de sa fonction. le régicide devient collectivement envisagé et théorisé pour la première fois de l'histoire à ce degré, une fois que le roi a perdu à leurs yeux sa dimension sacrée.
La loi salique finira par prévaloir sur la catholicité et fera de l'avènement de Henri IV presque vu comme un moindre mal, d'autant plus que cela sera vu comme un choix de la Providence. Henri III sera en quelques sortes le martyr de l'Etat royal reconstruit. Et c'est sur les cendres des Valois, que les Bourbons initieront dans une nouvelle ère ; celle des rois absolus.
C'est un livre qui m'a absolument fasciné. J'ai adoré de A à Z et je pense le relire très souvent, car ma passion des Valois et du XVIe siècle ne se tarit vraiment pas.
Il faut néanmoins préciser que c'est un livre très dense, érudit et très poussé dans l'analyse mais comme pour ses autres ouvrages, Nicolas le Roux a une plume fluide et très agréable lire. Même si, j'en conviens, pour la lecture de celui-ci il faut tout de même avoir quelques bases, pas extravagantes, mais connaitre au préalable les guerres de religion et des protagonistes de la scène politique, en ayant cela la lecture ne posera pas de soucis majeur.
Bref, un livre absolument excellent et passionnant pour lequel le coup de coeur est sans appel !
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