AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de WLaz


Que ce fut facile de l'ouvrir. Que ce fut difficile à suivre, parfois. Que ce fut rude à encaisser, souvent. Que ce fut impossible à noter.

Je ne les attendais plus, ces deux exemplaires, lorsqu'ils sont apparus dans la boîte aux lettres. Et je me suis immédiatement jeté sur l'un d'entre eux, bien décidé à affronter ce roman qui me rendait si curieux. L'appréhension de l'auteur qu'on découvre est bien vite passée : deux pages suffisent, en général. Celui-ci me plaît déjà. Je suis rapidement en confiance, car je sais que j'ai affaire à un vrai écrivain, aussi subtile que structuré. Et c'est bien ce qui compte.

Car au-delà des faiblesses (certains dialogues), des maladresses (les références artistiques dénotant parfois avec la subtilité du récit), et de la relative faible épaisseur de l'objet (ce qui en fait aussi, vu d'un certain angle, une force), on est tout de suite en plein coeur de cette famille maudite. Il est même stupéfiant de s'apercevoir qu'en si peu de pages, les chapitres n'en comptant parfois pas plus de deux, l'auteur nous a fait faire le tour de l'âme d'un personnage, qui est nous est soudain plus que familier. On oublie bien vite les défauts de ce (premier) roman, pour enquêter avec Louise, avec Jules et avec d'autres sur les sombres secrets des de Richebourg.

Mon esprit est partagé sur l'aspect enquête, secrets, révélations. L'oeuvre en regorge sans que ça nuise jamais à sa crédibilité, ce qui est fort. Pour autant, il est parfois difficile de suivre, d'avoir tous les éléments en tête : j'ai passé mon temps entre ce que je lisais et l'arbre généalogique (choix de présentation judicieux), et parfois même à la recherche d'éléments dans les chapitres précédents. Cela ne m'a pas gêné, car le roman est court, mais j'imagine que ça peut perturber certains lecteurs moins patients.

Pour autant que le mystère soit complexe, il est bien ficelé, et jamais gratuit. Rien ne tombe du ciel, tout est expliqué par quelque chose, ou explique quelque chose. le lien entre la psychologie des personnages et les événements vécus (ou non vécus) est très fort. L'auteur connait bien évidemment le sujet comme sa poche : tout est précis, crédible, tombe juste. Les émotions sont sincères, et se transmettent au lecteur. Une chanson, un livre ou un film qui tire des larmes, peu importe le reste, est une oeuvre réussie. Celui-là fait pleurer au moins deux fois, et fait sourire de plaisir devant quelques délicieuses envolées littéraires.

Car en plus de conduire son sujet les yeux fermés, Jean-Paul Lebel a le goût du mot qui claque, de l'enchaînement qui déroute, de la transition qui fait glisser le lecteur indépendamment de sa volonté vers le chapitre qui suit alors qu'il avait prévu de s'arrêter là. La balance entre la narration active, les pensées, les descriptions, et les inserts hors-narration (conte, lettres...) est parfaitement naturelle et donne du rythme. Les personnages sont vivants et ont tous quelque chose de remarquable, de touchant, de dégoûtant, ou tout à la fois. Personne n'est lisse. Les scènes difficiles le sont vraiment. Elles ne sont ni grossières ni passées sous silence, elles sont une souffrance nécessaire.

Et la fin... Ah, la fin. Ce moment tant redouté, comme toujours après un roman frais et plein de promesses. Cette fin parfois tellement oubliable, abrupte, ou tombée du ciel. Celle-ci fait semblant, un instant, d'être une fin décevante, mais ne l'est pas. L'auteur est doué à nous faire croire qu'il nous entraîne dans le zig, pour finalement nous embarquer dans le zag, et ce trait apparaît régulièrement en fin de chapitre. La fin du roman en est un bon rappel. Elle condense aussi l'idée qu'on est pas là pour recevoir une leçon de morale, ou une leçon tout court, mais plutôt pour interroger et s'interroger.


Aux lecteurs qui seront désarmés par le titre (qui tranche catégoriquement avec la subtilité du bouquin, mais peut-être est-ce volontaire), l'iconographie (même remarque), la quatrième de couverture (trop longue, qui tranche aussi avec le caractère concis et laconique des chapitres et de l'oeuvre) et surtout le déplorable manque de travail de la part de l'éditeur (aucune correction) : passez outre, cette sordide fresque familiale vaut le coup de s'y plonger, au risque de ne plus en sortir.
Commenter  J’apprécie          10



Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten




{* *}