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Critique de Sharon


mitié amoureuse est un roman épistolaire qui m'a fait penser à Balzac (La Duchesse de Langeais) et à Flaubert (l'éducation sentimentale). Nous sommes en effet totalement dans une autre époque, et il est toujours intéressant de lire de nos jours un roman qui fut contemporain il y a plus d'un siècle.

Oui, le roman peut paraître désuet, suranné. Cette correspondance montre les relations, cette fameuse amitié amoureuse qui donne son titre au roman de Denise et de Philippe sur plusieurs années. Leurs sentiments, complexes, sont analysés finement, leurs pudeurs, leurs réticences aussi, leur évolution également, avec des actes, ou plutôt des absences d'actes qui ne sont plus de notre époque.

Denise est séparée, elle a souffert en amour, Philippe, lui, est un éternel célibataire qui ne franchit pas le pas, ne s'engage pas, ou plutôt, tombe amoureux de cette femme séparée, qui élève seule sa fille Hélène. Il est plus facile de ne pas s'engager officiellement quand l'autre n'est pas libre – oui, je raisonne comme en 2020 – et quand l'autre ne veut plus s'engager sur les chemins amoureux, à cause de déception, à cause de sa maternité aussi, qui lui fait penser à préserver sa fille – ou comment tenter de préserver sa fille des déconvenues, des douleurs que Denise « Nisette » a elle-même ressenti. Je cite Philippe Quinault, un de mes auteurs du XVIIe qui a le plus parlé d'amour « nous donne-t-on un coeur pour n'en rien faire ? » (Alceste, 1673). Dans le cas de Denise, presque.

Elle n'est n'est pas seule, et d'autres personnes gravitent autour d'elle, comme son amie Germaine. Elle souffre encore à la pensée de son enfant mort, elle a gardé précieusement ses souvenirs, et a un franc-parler qui fait plaisir à voir au milieu de ses douairières et de ses messieurs bien-pensants, qui attendent surtout d'une femme qu'elle soit discrète, qu'elle passe le plus inaperçu possible. Il est aussi un autre couple, les Danans, dont une des réflexions du mari m'a mise mal à l'aise : « si j'avais été sûr d'avoir une fille semblable à cette petite, j'aurais aimé que vous eussiez un enfant ». Sa femme, Marie-Anne, que Denise admire beaucoup, commente ainsi les propos de son mari : « Ce n'est pas seulement en père que Paul aime tite-Lène ; c'est pour cette fraîche féminité, cette coquetterie naissante, qui émanent d'elle ». Rappel : Hélène a huit ans quand de tels propos sont tenus. Si je dois développer, je dirai que, déjà, la femme était soumise au désir (ou non) de paternité de son mari (et sur qui reposait la contraception ou l'interruption de grossesse, toutes deux interdites je le rappelle ?) et qu'il désire que l'enfant soit déjà une femme. D'ailleurs, l'éducation des filles est totalement inexistante, et Denise de dire très souvent tout le mal qu'elle pense du caractère de sa nièce Suzanne, qui n'a pas été éduquée pour être une bonne épouse. Denise, elle, compose, mais toutes les autres femmes me semblent avoir des existences d'une grande vacuité en dehors des mondanités, qui sont des faits tout aussi vides de sens pour moi aussi. Pour faire bonne mesure, l'existence de Philippe est tout aussi vide. Quant au mariage, il est surtout questions non des sentiments, qui passent à la trappe, mais des arrangements qui permettent de vivre avec suffisamment d'argent pour mener une vie mondaine harmonieuse.

Alors oui, ce fut un livre intéressant à lire, parce qu'il nous montre une époque qui n'est plus. Il nous montre surtout des gens extrêmement aisés qui n'avaient d'autres préoccupations que d'étudier, d'analyser leurs sentiments, entre deux mondanités.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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