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Critique de gill


Quelques kilomètres avant le bout du monde, l'autre bout du monde, après avoir passé Bricquebec, Grosville et Les Pieux, c'est là, à Flamanville que Vulcain a décidé d'installer sa forge.
Flamanville, c'est une petite excroissance de terre du Cotentin, une sorte de gros bouton qui aurait poussé à la presqu'île, un peu comme si la géologie avait décidé de faire un pied de nez à la frénésie des hommes.
Flamanville, ses falaises, son château du 17ème siècle, ses anciennes mines de fer, son plus petit port de France et son site archéologique protohistorique du Castel ...
Une vieille légende racontait qu'au creux de ses falaises, une bête monstrueuse vivait au fond du trou Baligan où la mer s'engouffrait avec des rugissements terribles.
Et c'est certainement pour faire taire cette rumeur et faire pièce à la peur de la bête qu'une centrale nucléaire, tout simplement, y a été posée.
"Les falaises de Flamanville" est un livre écrit par Jérôme Lefilliâtre, et paru aux éditions du "Seuil" en mai 2023.
Il est précédé d'un avertissement :
"Inspiré de faits réels, ce récit est une fiction.
Les sentiments prêtés aux personnages n'existent que par l'auteur".
Au milieu des années 70, le maire de Flamanville, André Rouxel, apprend par son premier adjoint, qui venait de le lire dans le journal, qu'un projet d'implantation d'une usine atomique était envisagé dans le village.
Trois sites avaient été retenus : Flamanville et Gatteville dans la Manche, Manvieux dans le Calvados ...
Le suspens est insoutenable !
Faudra-t-il attendre la fin de l'excellent bouquin de Jérôme Lefilliâtre pour savoir ?
En tout cas, la force de son livre est d'avoir donné des visages, d'avoir peuplé Flamanville de personnages tangibles, peints avec justesse et crédibilité.
Ce caractère très répandu à préférer que rien n'arrive plutôt que d'affronter l'inconnu, ces parias qui ont vécu l'après-guerre dans les blockhaus, cette habitude de "payer le café" à toute heure de la journée, cette grisaille qui porte à la morne tranquillité d'une douceur de vivre ; Jérôme Lefilliâtre a choisi les bonnes couleurs à sa palette.
Le ballet s'organise autour d'une décision qui se précise.
Une concertation des habitants est entreprise.
Chacun y va de son avis :
p'têt ben qu'oui, p'têt ben qu'non !
La confrontation est devenue inévitable entre des écolos venus d'un autre temps et le reste du village qui espère des emplois et des aménagements inattendus pour le village.
Ce roman est une pépite, un petit trésor d'ambiance, une galerie de portraits fins et sensibles.
Mais les faits n'en sont par pour autant négligés.
Quoi qu'étant un peu jeune à l'époque, je me souviens du lamentable fait divers du contremaître assassiné par irradiation dans sa voiture ; je me souviens avoir vu, posés au pied du phare de Gatteville, de ces bidons de déchet immergés à la hâte et qui revinrent flotter après une nuit déchirée par la tempête ; je me souviens de la révélation de ce funeste plan Orsec/Rad qui fit la conversation jusqu'à dans les cours d'école.
Mais ce que je me souviens surtout c'est que, dans le Val de Saire tout proche où je vivais, le choix entre acceptation ou rejet du nucléaire n'était pas véritablement un sujet.
La centrale était, comme l'arsenal de Cherbourg, un employeur recherché et les classes d'écoles la visitaient régulièrement sans que personne ni trouve à redire.
On sent, tout au long de la lecture de ce livre, que Jérôme Lefillîatre est un enfant du "pays".
Il a su en saisir la délicate alchimie et reconstituer dans une "fiction" ces jours terribles qui ont vu Vulcain déposer sa forge sur le trou Baligan ...
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