Legendre raconte dans
Vérité et amour l'histoire de Francesca, originaire de Nice, qui suit son mari, conseiller culturel à l'ambassade de France, à Prague. Ce roman initiatique dévoile le parcours d'une femme faisant l'expérience de la perte de repères, mais aussi celle de l'échec de son mariage. le récit propose une évolution quant au parcours de Francesca, des points de vue politique, social mais aussi amoureux. Bien que la redécouverte de son identité dans ce milieu étranger m'ait semblé bien rendue par le roman, l'évolution m'a paru bien tardive et pas totalement complétée au plan amoureux. Tout au long de ma lecture, c'est ce côté pathétique du personnage qui m'a sauté aux yeux – au sens de pitoyable, voire misérable. Ce terme est bien sûr très fort et à nuancer, mais la dépendance à son mari m'a choquée dès le départ et, à mon grand désarroi, cette frustration ne s'est pas dissipée. Si l'amour prend une importance colossale dès l'incipit du roman(1), Francesca accepte le paternalisme de son mari jusqu'à la fin(2) et ne s'affranchit pas tout à fait de sa dépendance à lui(3). Même lorsqu'elle semble prendre de la distance par rapport à lui, une dépendance plus générale à l'amour des hommes semble substituer à celle de son mari(4). Je ne nie pas toute forme d'évolution sur le plan romantique :
elle devient malgré tout une « femme expat » à la toute fin, modèle qu'elle dénigre vivement au début du roman en l'opposant à celui de la « femme d'expat »(5). Il me semble tout de même que le roman ne propose pas de réelle évolution de sa pensée critique par rapport à la vie amoureuse et au rôle des femmes.
(1) En affirmant, d'un point de vue narratif interne, « Sarkozy a été élu et nous avons cessé de faire l'amour » (Claire Legendre, Vérité et amour, p.9), elle met tout de même sur un même pied d'égalité Politique et Mariage.
(2) « Le vice consul m'a rappelée à l'ordre ce n'est pas poli de sécher les discours, je t'ai cherchée. Ça m'a touché qu'il s'inquiète. » (Ibid, p.291)
(3) « Peut-être, si je n'ai plus besoin de lui, il pourra m'aimer de nouveau. Tu vois je rêve encore que tu m'aimeras. » (Ibid, p.294). Il me semble essentiel de noter que ce passage survient tout juste après la rupture.
(4) Adressé de façon imaginaire à Roman Svoboda, l'homme qu'elle tente de séduire : « S'il vous plait monsieur aimez-moi. Aimez-moi pour me prouver que je suis en vie. Aimez-moi sinon je suis seulement ce torchon qui brûle quand on a les nerfs à vif. […] J'ai cru qu'il tombait amoureux de moi. J'ai cru, vraiment cru. J'ai cru qu'il allait me sauver. Me donner la force de m'enfuir. » (Ibid, p.151).
(5) « ‘'Femme d'expat'', c'est comme ça qu'on dit et ce n'est pas anodin qu'on dise ‘'femme d'expat'' et pas ‘'femme expat''. La femme expat c'est rare. Quelques étudiantes, quelques profs dans les lycées français du monde entier, quelques amazones qui ont perdu la tête et troqué la docile féminité conjugale contre une ambition internationale. Ça existe, mais c'est rare. » (Ibid, p.14)
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