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Critique de Niklos



NECESSITE DU HASARD

On sait que la SF n'est plus répertoriable à partir de ses signes conventionnels. Les vagues, anciennes ou nouvelles, ont effacé sur le sable les traces d'anciennes définitions. Lem, jusqu'ici, proposait cependant au lecteur (en français, du moins !) des oeuvres qui gardaient avec le genre canonique un certain nombre de points de tangence. Cela n'empêchait pas ses ouvrages de proposer un objectif plus ambitieux : à l'horizon de la fiction, une sorte de méditation épistémologique. En fait, comme Verne joue avec la technologie, Lem joue sur l'épistémologie. Et cela porte évidemment sur le statut du savoir (Solaris) sur la dérision des certitudes (Ion Tichy). Rhume se situe dans cette ligne, mais il s'en écarte par quelques traits. L'écart est visible au niveau de l'arsenal des thèmes SF : certes, on parle de Mars, des traces d'Aldrin sur le sable de la Lune, et le héros est un ex-astronaute. Mais il aurait pu tout aussi bien être un ex-militaire quelconque, faire appel aux données d'ordinateurs et à la méthode Delphi. On voit mal ce qui aurait changé. Sauf pour quelques vagues connotations à la SF. Cela dit, ce livre est bien dans la ligne des précédents : Lem explore à sa manière l'impossible présence du savoir. Comme dans Solaris, dans L'invincible et ailleurs, à un problème se trouve confronté un appareil immense, qui échoue. Qui ne perçoit même pas la réalité du problème qu'il est censé résoudre. Un élément de cet appareil, le héros — qui a rarement quoi que ce soit d'héroïque — s'investit (se trouve investi) dans l'irrationalité du processus qui constitue l'événement irréductible. Il le connaît, l'affronte, le saisit, s'en trouve transformé. Et cela s'arrête là, toujours frustrant pour le lecteur. Ailleurs, dans les autres ouvrages, il s'agit d'une chose (Océan, Etres magnétiques, artefacts...). Ici, d'une absence. Des effets ont lieu, on leur soupçonne une cause (théorie du complot), opération, test, simulation, hasard (objectif ?). Tout s'explique, mais il n'y avait rien à trouver. Livre-quête d'une absence primordiale : pas de cause initiale, une série d'effets « pervers » dont le résultat synergétique donne l'illusion d'une loi. le tout dans un style roman noir, à toute allure, d'espionnage — mais sans vamp de service. le décalage entre la narration de type thriller et la thématique d'enquête scientifique/philosophique, avec son aboutissement ironique donne au lecteur un plaisir rare. le monde de la SF est plus vaste et plus divers qu'on ne l'imaginait sur la foi d'une thématique standard.

Roger BOZZETTO
dans Fiction 295
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