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Critique de Presence


Il s'agit d'un récit complet en 1 tome, indépendant de tout autre. Ce tome regroupe les 8 épisodes de la minisérie initiale, initialement parus en 2013/2014, écrits, dessinés et encrés par Jeff Lemire, avec une mise en couleurs réalisée par Lemire et José Villarrubia.

En 3797, Nika Temsmith est docteur en xénobiologie Elle fait partie d'une petite colonie humaine sur une planète éloignée. Elle a pour mission de récupérer des fleurs de trille (trillium) qui contiennent une molécule qu'il n'est pas possible de synthétiser, et qui est le principe actif pour l'antidote contre une épidémie mortelle et dotée de conscience qui éradique l'humanité dans l'univers. Sur cette planète Atabithi, il a été détecté une grande concentration de trillium, mais les fleurs se trouvent au sein d'une ville extraterrestre retranchée derrière une enceinte impénétrable. Nika réussit à établir un contact avec ces extraterrestres, malgré la barrière de la langue.

En 1921, William Pike (surnommé Billy) est un survivant de la grande guerre. Il fait partie d'une expédition de quelques hommes (menée par son frère Clayton Pike) pour trouver un temple inca en pleine jungle amazonienne. Il est régulièrement la proie de remontée de souvenirs sanglants des champs de bataille. le petit groupe découvre un village en pleine forêt où les habitants ont été massacrés. Billy aperçoit une pyramide inca.

Jeff Lemire est un auteur canadien qui avant d'écrire des superhéros DC (par exemple Green Arrow : machine à tuer) s'est fait connaître par ses récits personnels : Essex County: Ontario, Canada, Sweet Tooth (à commencer par Out of the deep woods, en anglais), Monsieur Personne, Jack Joseph, soudeur sous-marin.

"Trillium" est une histoire de science-fiction dans laquelle l'humanité a colonisé de nombreuses planètes en dehors du système solaire, et peut-être même au-delà de la Voie Lactée. Jeff Lemire explique lui-même que sa manière de dessiner (un peu esquissée) n'est pas compatible avec une approche descriptive minutieuse des technologies d'anticipation. Il s'attache à transcrire l'impression que donnent des vaisseaux spatiaux, des combinaisons spatiales, des armes futuriste, plutôt que s'attacher aux détails qui pourraient faire croire à l'existence de ces éléments.

Cette approche graphique ne nuit pas à l'immersion parce que ces éléments d'anticipation sont cohérents tout du long du récit, avec un degré de précision suffisant pour qu'ils ne ressemblent pas à de simples de toiles de fond, ou à des costumes en papier mâché de cosplayer fauché. Il est tout juste possible de s'agacer de ces casques de combinaison dessinés au compas (sans reflet sur le verre), formant malgré tout un cercle qui ne se referme pas sur lui-même.

Jeff Lemire ne cherche pas à dessiner pour faire joli, il ne réalise pas des dessins bien léchés pour une séduction maximale. Il préfère conserver une impression de spontanéité, quitte à ce que les visages soient un peu anguleux, et que les arrières plans puissent donner l'impression de manquer de finition. Rapidement le lecteur constate qu'il s'agit uniquement d'une apparence. Les découpages de chaque page relèvent d'une conception réfléchie et rigoureuse en amont, en particulier le chapitre 5. Chaque page de ce dernier se décompose en 2 moitié, la moitié supérieure étant consacrée à Nika, la moitié inférieure à William, les 2 moitié étant disposées tête-bêche (= il faut retourner l'ouvrage pour pouvoir lire la moitié inférieure), avec un bel effet circulaire.

Jeff Lemire a composé son intrigue sur la base d'une épidémie menaçant la survie de la race humaine, avec une résolution en bonne en due forme. Il y a ajouté des voyages dans le temps, pour que Nika de 3797 puisse rencontrer William de 1921, avec une histoire d'amour contrarié entre ces 2 personnages. Il prend le temps de développer leur histoire personnelle réciproque, même si leur personnalité n'est pas très affirmée. Ces composantes aboutissent à une histoire riche sans être complexe, avec plusieurs axes divertissants.

En cours de route, le lecteur finit par prendre conscience que l'effet miroir entre 3797 et 1921 ne se limite pas à rapprocher Nika et William. Il y a également un effet miroir sur la société de 3797 (les femmes occupent les principaux postes de responsabilité) et sur celle de 1921 (encore essentiellement patriarcale).

D'épisode en épisode, Jeff Lemire déroule son intrigue savamment composée, sans jamais perdre son lecteur, avec un bon niveau de divertissement sans que les nombreuses scènes de grande ampleur ne deviennent une excuse. Toutefois, il apparaît également que l'histoire d'amour reste à l'état de passion entre 2 individus qui ne se connaissent pas, se reposant un peu trop sur les stéréotypes du genre. de la même manière, le second niveau de lecture reste à l'état embryonnaire, et se limite à ce miroir entre les 2 types de sociétés. La fin apporte une résolution satisfaisante au récit. La dernière page exige une interprétation du lecteur, sans émergence d'un sens clair, car plusieurs possibilités existent, sans qu'il soit possible de déterminer avec certitude l'intention de l'auteur.
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