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Critique de AugustineBarthelemy


D'un Renoir à l'autre est une bande dessinée sur la filiation artistique, la transmission d'un héritage immatériel entre un père et un fils dont le lien s'est noué très tôt. Pierre-Auguste a déjà 53 ans quand Jean naît. Et son fils devient aussitôt un des modèles favoris de son père qui aime le croquer dans diverses situations au fil des ans. C'est dans ses longues heures de pose que l'intransigeance artistique se transmet, tout comme un goût immodéré pour la liberté et la croyance, chevillé au corps, que chaque homme a son destin. Que cherche au juste Pierre-Auguste Renoir dans l'art, lui qui nous a laissé une oeuvre prolifique aux styles toujours changeants ?

Retour sur la jeunesse du peintre. Dans l'atelier de couture de son père, le jeune Pierre-Auguste regarde, fasciné, les mains paternelles, le travail délicat de couture, la rencontre entre le fil, l'aiguille et le tissu. C'est là sans doute qu'il apprend la rigueur, auprès d'un père austère, qui s'exprime peu, sauf à travers son travail. C'est là aussi probablement qu'il apprend à exercer son regard, à chercher la beauté du quotidien, à fixer la vérité d'une âme humaine. Auguste aime dessiner, mais il est aussi très doué pour le chant. Que deviendra-t-il, lui que ses parents ont envie de pousser vers le chant lyrique ? Se soumettre à leur choix ? C'est mal le connaître. La liberté n'est pas pour Auguste Renoir une chose à prendre à la légère. Il refuse l'offre de Charles Gounod et se dirige vers une carrière de peintre. Il débute d'abord modestement dans un atelier de peinture de porcelaine. Mais très vite, il se lasse de reproduire encore et toujours les mêmes motifs. Il claque la porte, intègre un atelier de peintre sur store. Mais là encore, il ne se plaît pas, on lui reproche de peindre en s'amusant, où est donc passé le sain goût du labeur difficile ? Alors quand Napoléon III assouplit la censure, Pierre-Auguste se sent pousser des ailes : il va enfin peindre comme il le souhaite ! Mais les écoles des Beaux-Arts et les maîtres ne l'entendent pas de cette oreille : la peinture, pour être belle, doit être classique, académique et s'inspirer des grands maîtres. Qu'à cela ne tienne, avec des élèves de sa promotion, dont Sisley et Bazile, ils vont chercher à imposer leur révolution visuelle : le groupe des Batignolles est formé ! qui mènera ensuite au mouvement des impressionnistes.

On connaît les premières années difficiles de ce mouvement, les critiques assassinent, les moqueries du public. Mais même une fois que le succès est atteint, Pierre-Auguste refuse de rester enfermé dans les « codes » qu'il a lui-même participer à créer. Son style évoluera toujours, jusqu'à la fin de sa vie, toujours animé par son intransigeante quête de liberté, toujours guidé par la recherche de la beauté, à fixer sur la toile la vérité d'un instant.

Structuré en miroir, sans pour autant proposer un récit linéaire, D'un Renoir à l'autre se penche, dans la deuxième partie, sur la vie de Jean. La sincère admiration qu'il éprouve pour son père semble d'abord être un frein pour le jeune Jean qui peine à se découvrir. La Première Guerre Mondiale va l'aider à s'éloigner de l'image du père. Blessé une première fois au front, il découvre et fait découvrir le cinématographe à son père pendant sa convalescence. Chez les Renoir, il y a une véritable fascination pour l'image et sa poétique. Jean retournera au front, avec l'ambition de rejoindre un escadron de reconnaissance aérienne et faire de la photographie. Comme son père, il connaîtra de nombreuses difficultés en tant que réalisateur. Tâtonnant, il oscille entre le rejet des préceptes enseignés par son père ou, au contraire, leur application. Il est parfois difficile d'accepter ou de s'extraire d'un héritage esthétique et philosophique aussi riche. Mais toujours il cherchera à imposer sa patte, jusqu'à enfin rencontrer le succès public et critique avec La grande illusion ou La règle du jeu. La liberté finit toujours par payer et Jean fait preuve dans son cinéma du même engagement que son père dans sa peinture. Un engagement qui le conduira à s'exiler vers l'Amérique lors de la Seconde Guerre, pour éviter de devoir travailler sur des films de propagande.

D'un Renoir à l'autre propose une belle biographie de ces deux artistes qu'elle croque dans un portrait croisé intimiste et sensible. Deux hommes qui ont toujours voulu être libres, et que l'on apprend à connaître par le prisme de leurs engagements, artistiques ou politiques. C'est aussi une plongée intéressante dans le Paris du XIXe siècle, de ses quartiers populaires aux maisons plus cossues de province, le lecteur se retrouve au coeur de la création, aussi bien picturale avec l'émergence du mouvement impressionniste que cinématographique. D'un point de vue très personnel, j'ai nettement préféré l'évocation de la vie de Pierre-Auguste Renoir, sans doute parce que je connais mieux son oeuvre, mais c'est une très belle bande dessinée qui mérite d'être découverte.

Ce livre a été lu dans l'opération de la Masse Critique. Je remercie Babelio et les éditions 21g pour cette belle découverte.
Lien : https://enquetelitteraire.wo..
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