Dans son milieu naturel, la tique grimpe généralement en haut des herbes et peut y rester accrochée durant des semaines en attendant qu’un animal passe. Rongeurs, oiseaux et cervidés sont ses proies les plus fréquentes, mais un chien ou un homme font aussi bien l’affaire. Pour ce vampire pas plus gros qu’une tête d’épingle, tous sont bons à sucer puisqu’ils contiennent du sang.
Parfois, un masque peut en cacher un autre. Le tour est ancien, surtout dans le monde des affaires et des lobbyistes. Mais la porosité de la santé publique face à l’affairisme et au lobbying permet à certains de l’employer pour se jouer des médecins, des autorités de santé et des patients.
De retour des états unis en 2013, où nous enquêtions [...], nous brulions d'impatience d'interroger les personnalités qui, en France, sont aux commandes du dossier Lyme. Comment vivaient-elles la révélation des 300000 cas annuels ? Nous ignorions alors que le CDC allait encore multiplier le chiffre par 3, mais il était à lui seul assez ahurissant pour que l'urgence s'impose désormais de prendre sérieusement la mesure du nombre de malades dans l'hexagone, sachant que notre système de dépistage reposait sur des bases encore moins performantes qu'outre-Atlantique
“Tout vient à point à qui sait attendre”, dit le proverbe. Pourtant, rien n’est plus faux en santé publique car le temps perdu se traduit par des malades, des souffrances et une mortalité qui auraient pu être évitées.
La maladie de Lyme est une porte qui ouvre sur une immense ménagerie. Mais visiter un zoo est une distraction sans danger, on y observe des animaux derrière des barreaux et des vitres. Or, ce n’est pas du tout le cas avec ces animalcules infectieux. Leur liberté d’aller et venir, de nous contaminer en passant par la salive anesthésiante que crache la tique en plongeant son rostre dans notre chair sans prévenir appelle une image plus sauvage…
En réalité, il s’agit d’une jungle. Une jungle débordant de prédateurs à flagelles, à ventouses, armés de piques ou de filaments empoisonnés. Un monde encore largement inexploré, invisible à l’œil nu mais omniprésent.
Le pire semble atteint quand le malade est un enfant sans défense qui se heurte non seulement à l’incompétence de praticiens mais aussi à leur obstination à vouloir l’enfermer dans une vision psychiatrique, voire à le culpabiliser et, en plus, à stigmatiser les parents.
Tout commence par un moment de bonheur. Une joyeuse promenade en forêt pour cueillir des brins de muguet au printemps ou des champignons à l’automne, parfois même un simple pique-nique sur une pelouse d’autoroute sur la route des vacances. Et c’est la rencontre qu’on n’attendait pas…
Au début, on ne ressent rien, pas le moindre trouble. Celle qui entre dans notre vie est à peine visible, d’autant qu’elle est encore le plus souvent à l’état de nymphe. Perchée en haut d’une herbe, la tique nous attend depuis des heures, voire des semaines, les pinces ouvertes pour s’accrocher à nous au premier frôlement. Elle cherche alors notre peau et, au moindre bâillement de chemise ou de pantalon, elle s’introduit doucement, avec une préférence pour les zones du corps tendres et chaudes.