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Critique de emmyne


Un carnet de voyage, un documentaire, de croquis, d'aquarelles, de tableaux pleine pages, de couleurs et crayons noirs. Et des mots qui donnent autant que les images.

" Ker-gue-len. Un mot qui racle la gorge puis se couche sur le palais. Ker-gue-len. Un nom breton égaré en Antarctique. Je n'imaginais pas terres plus perdues, plus lointaines. C'était le monde du bout du monde...Et voilà qu'on me proposait de m'y rendre...J'allais affronter une mer que les marins qualifient de rugissante, de hurlante même. La mer que je ne connais que de la côte, la mer que je contemple chaque matin, sans jamais l'avoir prise pourtant. [...] ...peut-être, enfin, la comprendre...et savoir la dessiner à mon tour. "

Un récit autobiographique qui mêle toute la dimension humaine de l'expédition à la magie de la découverte nature, nourrie par les grands romans. Plus de 150 pages foisonnantes d'une chronique au jour le jour, trente jours de navigation, qui racontent avec réalisme et précision la marine contemporaine, les bases scientifiques - leurs fonctions, les missions, l'organisation pour y vivre - , la logistique, les îles - ces réserves naturelles, leur écosystème fragile, son évolution et ses impératifs -; des pages qui reviennent aussi sur les faits historiques superbement mis en couleurs dans des tons sépias. le crayon s'attarde sur les portraits, la profession de chacun sur ce navire, marins et chercheurs, les attentes des passagers " invités ", la diversité des personnalités et des motivations de ces voyageurs réunis ( cinéaste et photographe, membres de ministères, " touristes ", un ingénieur spatial... ), sur les " hivernants " ( ceux qui restent à terre plus d'un an parfois ), leur isolement, leur passion, sur la rigueur et les difficultés liées aux conditions météorologiques.
Je suis sur la lune. Un univers minéral battu par les vents. Je sens cette force tellurique sous mes pieds. Une mousse spongieuse tente de s'accrocher à une roche noire, tranchante. Glissante. le froid, la pluie horizontale. J'essaie de croquer le glacier, tache turquoise enchâssée dans des camaïeux d'ocres, de bruns et de noirs. le papier est détrempé, se gondole, se plie, sous les bourrasques. le crayon accroche à peine..."

Emmanuel Lepage, à travers cette expérience unique, évoque son art, son rôle du dessinateur, l'accueil qui lui est réservé, les réactions, la curiosité.

" - Vous allez nous dessiner ?

Le dessin inspire la bienveillance. C'est un sésame incroyable qui déverrouille les hiérarchies, les classes et les âges...Dessiner, c'est ma façon d'être au monde. [...] Personne n'a peur du dessin. On aime le voir en train de se faire. On s'en approche spontanément. Il renvoie à l'enfance. Et puis, c'est un moyen de rencontres et de complicités qui se passent de mots. [...] Dessiner oblige à se poser. le temps est suspendu. [...] Cormorans, otaries, phoques, éléphants de mer, manchots royaux, manchots papous font danser mon crayon. Ils m'observent autant que je les observe..."

Des dessins sur le vif, pourtant fouillé, le trait intuitif, sensible, à l'essentiel, à l'expression, à l'émotion de ce qui est vu et ressenti. Un récit d'aventures modernes, une intensité du regard par les plans resserrés qui disent toute l'activité et les échanges, avec les peintures en camaïeux qui dévoilent la beauté des sites, du voyage, des heures partagées.

" J'envie ces hivernants qui sillonnent cette île pas après pas, jour après jour. Qu'apprennent-ils de l'île, qu'apprennent-ils des autres, qu'apprennent-ils d'eux-mêmes ? "

Un album hommage et témoignage offert autant aux compagnons qu'aux paysages, un album généreux.



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