Des grues bétonnent le ciel, la vie broyée dans des cailloux. Rien n'effraie les tourterelles.
Il reste une bague d'eau au doigt du pont. Dans les clapotis de l'ombre je reconnais leur visage, non pas la mer, non pas la fin, mais les lèvres qui me parlaient.
Rien ne sortait de ma bouche. J'ai pris mes doigts pour les compter, ce n'étaient pas les miens. La nuit avait mangé nos ombres.
Je me souviens de mon arbre…
Je me souviens de mon arbre fort et fier de
respirer avec moi. Je n’ai pas appris sa patience.
Il me faudrait davantage de bleu dans la
bouche. Davantage de chants dans l’oreille,
davantage de lait sur ma peau. Davantage de
peau sur mes os.
Plumes, vent, poussière, les arbres d’ici me
saluent dans leur langue. Leur liberté m’a appris
à respirer. Je reprends souffle dans la leur.
Le mien, ma mère l’avait planté le jour de son
dernier lait. J’ai chanté sans son ombre, grandi
dans ses feuilles. Si la vie est un arbre, sa
lumière sera mon talisman.
L’exil est une terre sans pardon…
L’exil est une terre sans pardon. Aujourd’hui
encore, je compte mes doigts en me demandant
si leur nombre m’appartient.
Les feuilles se donnent à d’autres feuilles, les
fleurs à d’autres fleurs, les femmes à tout le
reste.
Qui prendra soin de nous, sinon nous- mêmes ?
…