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Critique de elitiatopia


Je découvre avec cet opus la collection Tracts : on dira ce qu'on voudra, au moins ça se lit vite et ça fait réfléchir, même si pour moi cela n'a pas été dans le sens de la thèse défendue dans ce plaidoyer pour disons la tolérance, sinon le relativisme dans l'usage de la langue. J'ai commencé par me dire que j'avais affaire à un concentré de mauvaise foi, tant dans le choix des idées reçues introductives et des citations qui les accompagnent, que dans l'idée générale qui se dégage des dix propositions. Après tout, selon la plupart des dictionnaires, un tract est une "petite feuille ou brochure gratuite de propagande" ; sens auquel on peut préférer le sens plus proche de l'anglais "Imprimé de faible volume, distribué gratuitement, destiné à informer ou à influencer l'opinion publique dans un but politique, social ou commercial", plus neutre. le premier sens s'applique très bien à l'orientation générale du texte.

Ainsi, nous découvrons 10 analyses découlant d'idées reçues portant toutes sur l'effondrement du français, écrit comme oral, idées présentées comme répandues partout dans la presse et les médias en général, alors que si l'on regarde les auteurs des citations mises en exergue, on retrouve quand même beaucoup le même profil - au hasard, Alain Finkielkraut ou des Académiciens. Cela se précise : je me posais justement la question "mais à qui donc en veulent-ils comme ça ?" Cela tend à désigner une institution, l'Académie française, qui se mêle de ce qui ne la regarde pas et devrait écouter les linguistes, qui savent de quoi ils parlent, puisqu'ils sont à la fois scientifiques et spécialistes. Et même mieux : faisons entrer pour moitié des linguistes à l'Académie française (d'un coup l'optique est plus claire). Il y a toutefois un malentendu : se sentant attaqués ou critiqués par les médias, et à travers eux l'opinion, ils sortent en retour leurs piquants anti-vieux jetons puristes de droite (puisque, selon eux, on les considère comme "de dangereux gauchistes"), et feraient presque honte à des amoureux de la langue française comme Fabrice Lucchini ou même peut-être Bernard Pivot, d'exalter la beauté de notre langue, notamment écrite, et de la faire aimer à l'oral.

Une fois qu'on a laissé de côté ces piques intéressées et qu'on se penche sur leurs raisons, c'est déjà plus intéressant ; parfois je n'ai pas été du tout d'accord, comme en ce qui concerne l'orthographe ou la stricte égalité écrit/oral, même si je comprends que des linguistes se doivent avant tout d'observer les faits de langue et non de les juger. À l'inverse, certaines parties m'ont intéressée, comme celle sur les usages numériques ou la féminisation des noms, j'y ai appris quelques faits ponctuels - usage des emojis dans les écrits numériques, études montrant que les femmes ne postulent pas pour des offres d'emploi entièrement rédigées au masculin... Il est vrai que j'ai fait de la linguistique dans mon cursus littéraire, je connaissais donc les bases sur les différences entre l'écrit et l'oral ou les exemples grammaticaux. Je reconnais que c'est vraiment bien expliqué sans surcharge, les idées sont bien mises en valeur par des intertitres et une partie "et si ?" proposant des solutions, toutes linguistiques on s'en doute. Je n'étais peut-être pas la bonne personne à convaincre, dans la mesure où j'ai toujours considéré qu'il était grand temps de se débarrasser des apports de la linguistique dans l'enseignement de la grammaire au collège, et où ils parlent de la réintroduire.

Ah oui : les petites corrections orthographiques de 1990 glissées ça et là l'air de rien, eh bien ça me pique les yeux. D'ailleurs, on ne peut pas dire d'un côté que c'est l'usage qui définit la norme, et de l'autre se plaindre qu'une réforme qu'on a appelée de ses voeux n'a pas pris, que les gens ne s'en soient pas emparés comme un seul homme, ou femme. Un 2,5/5 ne sera pas injuste de ma part, mais plutôt fair-play - comment ça, du franglais ? Linguistiquement c'est cool, hey c'est abusé là !
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