DEMAIN SANS VISAGE
Les siècles affaîtés aux ruses menuisières
les boutiques miroirs plus peuplées que les rêves
et le vent traversant les tuileries désertes
ta gorge transparente au sommeil des faïences.
p.120
Bonne et joyeuse année libre à toutes et tous.
LA MARSEILLAISE BRETONNE, CHANSONS DE
MARINS MYSTIQUES POUR L’ÉQUINOXE
LE PONTONNIER
Passez passants passant passons
passe présent passé demeure
ça valaiti le coup que meurent
tant de grandes passions
tant de grands sentiments
ni que se tournent sur leur lit
tant d’impatients patients
et je cueille si tu cueillis
comme nous cueillerons mais quand
les feuilles et le deuil
qui laisse à l’âme à l’œil
la funeste mémoire ou l’indigeste temps.
p.187
PETIT SUPPLEMENT GÉOGRAPHIQUE
À L’USAGE DE MARINS SURS
DES PAYS
La terre a des lits
La scie rit
L’eau triche
La rue si blanche
L’art-habit
Beau aime mort à vie
etc.
DES MONTAGNES
A peine un
Eve reste
etc.
DES FLEUVES
L’âme à zones
Ah ! dis-je
Con, go !
etc.
DES VILLES
Jeune Eve
Corps doux
Ta rente
etc.
DES ÎLES
Six cils
Bal et art
Forme, ose !
Sue, matras !
Ah, sors !
Comme or.
Borné haut
etc.
DES LACS
Hue, rond !
La clé ment
etc.
p.197/198
D’UNE PIERRE DEUX SOLEILS
(1948 – 1949)
À Roger Chastel
1
L’épieu de pierre dans l’écume des métallurgies lunaires
la barre de fer du phare dans la tête
le garrot du soleil galop du sang dans les strombes
le jour levant les mains de l’impatience
les deux côtés inséparables de l’arbre.
p.25
DEMAIN SANS VISAGE
J’imagine une vertu visible
Visage nu de l’insurrection fait front à l’ordre absurde
Visage vrai l’espoir encor choisit la mort
Je m’entends mal parler quand le sang crie si fort
pourtant sourire je t’ai vu
face à mourir
Novembre 1956
p.126
LES FALAISES DE TAORMINA (1948-1949)
NI PLUS TÔT NI PLUS TARD
Tes dents se sont fermées sur un pays de chair
où la mort a marqué les eaux indifférentes
les saisons les amours
les prunelles parentes
les paroles perdues le long des quais déserts
c’était l’hiver tu reconnaissais la chaleur
c’était l’été la nuit te prenait dans ses neiges
tu sais ce que parler veut dire
un pays où tes yeux se taisent
j’avance en écartant tes jambes
la rue monte et je n’en peux plus
de couper les mains qui s’accrochent aux portes
de couper les ponts des enfances
pour te connaître
jusqu’à la nuit.
p.17/18
Les falaises de Taormina (1948-1949)
L’ARRET DE VIE
Devant chaque moment des choses je m'arrête
devant la nappe où je connais la naissance d'octobre
devant le mur de chaux où midi sonne
devant la lampe où je t'entends venir
devant les lampions pour les fêtes
les papiers sales du matin
l'oliveraie qui met ta robe
l'arbre qui marche sur tes pas
les bruits la nuit qui nomment la distance
devant la profondeur marine où tu respires
gravité du désir tournoiement solaire des roches
je suis ici qui m'accoutume à dire
le poids de la lenteur dans les ruisseaux des bras
la durée de la mort entre tes deux genoux
le regard de l'aveugle sur la fraîcheur des ponts
je gagne sans bouger une ombre difficile
la mer s'est retirée de ses statues de sel
et je te parle sans te voir
sans connaître la fin de l'heure où tu me tiens.
p.15/16