L'âme féminine, plus facile à s'inquiéter, plus prompte peut-être à s'émouvoir, répond plus spontanément aux sollicitations de ces austères architectures : voilà qui expliquera peut-être qu'Anne Radcliffe soit si nettement supérieure à ses imitateurs masculins, et peut-être à Lewis lui-même, quand il s'agit de transcrire, avec des vibrations dans l’âme, les inquiétants mystères et la solennelle présence d'une demeure médiévale.
Si Melmoth est cet "admirable emblème" de la condition humaine qui étonnait Baudelaire, c'est parce qu'il représente l'ultime incarnation des valeurs qu'avaient fragmentairement et imparfaitement portées avant lui Orazio, Connal et Bertram. Du premier, encore mal affranchi des pesantes servitudes de la fiction germanique, il a les manières théâtrales d'apparaître et de forcer les murailles ; du second, il a hérité la farouche intransigeance et le sens désespéré de l'absolu ; au troisième il doit enfin son acharnement tragique à se perdre. Mieux que tous, il incarne le type du héros maudit et du réprouvé.
"Le merveilleux n'est pas le même à toutes les époques. Il participe obscurément d'une sorte de révélation générale dont le détail seul nous parvient. Ce sont les ruines romantiques, le mannequin moderne, ou tout autre symbole propre à remuer la sensibilité humaine durant un temps."